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Critiques de Léonide Ouspensky (3)
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La Théologie de l'icône

Il n'y a qu'un seul livre, celui-ci, qui puisse renseigner le lecteur intéressé sur l'art iconographique orthodoxe dans sa dimension spirituelle et dogmatique. L'icône n'est pas qu'une peinture, elle est un objet sacré proposé par l'église à la vénération, et elle est porteuse de toute la doctrine orthodoxe de l'incarnation : de même que Dieu est venu sauver les hommes en devenant homme, de même l'Esprit Saint vient habiter parmi eux en se faisant matière, corps, peintures, mosaïques. Ouspensky explique cela magnifiquement, savamment, et sans avoir jamais peur de dire ce qu'est la conception de l'église orthodoxe. Sa lecture est indispensable à qui veut connaître le sens de l'icône, mais aussi son histoire de l'antiquité chrétienne au renouveau russe du XX°s.
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La Théologie de l'icône

Ce livre présente la théologie de l’icône d’un point de vue historique. Il compile dans l’ordre chronologique les sources grecques puis russes qui traitent des représentations du Christ, de la Trinité, de la Vierge, des anges et des saints ; des controverses sur la sainteté des « images vraies », débat qui atteint un paroxysme sanglant dans la crise iconoclaste ; puis de la décadence de l’école grecque et de son relai par la tradition russe. L’auteur cite une multitude de théologiens et de textes souvent contradictoires. Il donne une particulière importance au concile quinisexte « In Trullo » tenu dans le palais impérial de Constantinople en 692, et dont la règle 82 traite de la vénération des icônes. Ce concile « œcuménique, peu connu et mal reçu en Occident » selon la quatrième de couverture, n’appartient pas aux sept conciles canoniques de l’Église orthodoxe et ses règles n’ont pas été acceptées par l’église de Rome, au point que l’empereur ordonna sans succès d’appréhender le pape. On voit que l’antagonisme des églises d’Orient et d’Occident ne date pas du schisme de 1054...



L’histoire des images saintes commence par l’interdiction vétérotestamentaire. Celle-ci n’est pas mentionnée dans les évangiles (ni reprise ni supprimée), mais elle reste appliquée par l’Église des premiers siècles pour s’opposer à l’idolâtrie au profit des symboles christiques (la croix, le poisson, l’agneau). Le concile quinisexte reprend la vénération de la croix mais condamne la figuration de l’agneau. En effet l’incarnation permet la représentation du Christ dans sa figure humaine, « la vérité a son image ». « Le concile affirme que la sainte Écriture et la sainte image “s’indiquent” et “s’expliquent” l’un l’autre (...) “L’un et l’autre sont bons et dignes de vénération parce qu’ils s’expliquent mutuellement et sans conteste, se prouvent mutuellement”. Ainsi l’image visible équivaut à l’image verbale » (p 120-121). Rome conteste ce dogme de l’icône et l’auteur écrit à son propos : « Ainsi l’Église de Rome est-elle restée étrangère à l’enseignement de l’Église sur le fondement christologique de l’icône. Cet enseignement n’a pu enrichir l’art occidental qui reste encore attaché à certaines représentations purement symboliques comme l’agneau (?) […] l’Église de Rome s’exclut elle-même du processus d’élaboration du langage pictural et spirituel (?) » (p 80).



Il devient licite de représenter le Christ et obligatoire d’utiliser un modèle : « Il est évident », écrit Ouspensky, « qu’à l’époque ou la christologie était le sujet central, c’est précisément l’image humaine du Christ, fondement de toute l’iconographie chrétienne, qui exigeait une formulation dogmatique liquidant l’immaturité juive et païenne » (p 79). Ce modèle viendra de la Sainte Face d’Édesse : selon une tradition du IVe siècle, Abgar, roi d’Édesse, écrit au Christ pour obtenir sa guérison d’une maladie de peau et le Christ lui répond par une lettre miraculeuse. Dans une variante du VIe siècle, Abgar envoie son peintre au Christ ; la lumière qui émane du Fils de Dieu l’empêche de faire son portrait ; le Christ applique alors la toile sur sa face et envoie à Édesse une image acheiropoïétique — non faite de la main de l’homme. La tradition orthodoxe considère, ou stipule que toutes les « images vraies » du Christ sont des copies la Sainte Face. Celle-ci est perdue, mais les icônes anciennes ont une ressemblance qui rend probable un modèle commun (curieusement, la Sainte Face n’est illustrée dans ce livre que par une icône du XXe siècle non attribuée. Pour les images anciennes, voir le livre de Sers cité plus loin). L’auteur croit à l’authenticité de Sainte Face d’Édesse, qualifie la Véronique, l’image acheiropoïétique concurrente de la tradition occidentale, « d’invention des franciscains » (p 29) et ne mentionne pas le suaire de Turin.



L’Église de Rome a donc ignoré la logique du concile quinisexte, s’épargnant un siècle de massacres (mais elle prendra sa part le temps venu, avec l’Inquisition par exemple). Cette logique échappe aussi à des patriarches et empereurs byzantins qui voient dans les images saintes « un livre pour les simples, un complément de la parole, une poésie silencieuse ». Pour eux, la seule image vraie du Christ est l’eucharistie, et non une image peinte ; l’incarnation permet de représenter le Christ, mais non la Trinité, la mère du Christ ou ses saints ; la vénération des icônes peut conduire à une forme d’idolâtrie. La querelle s’envenime sur un fond de luttes politiques quand les iconoclastes détruisent les icônes et persécutent les iconodules, qui à leur tour font des iconoclastes des hérétiques à combattre parce qu’ils nieraient l’incarnation. Le « Triomphe de l’Orthodoxie » revient aux iconodules, avec un raidissement dogmatique dû notamment à Jean Damascène (676-749) : « Dans leurs explications les Pères recourent souvent à la comparaison de l’icône avec le portrait profane : le portrait de l’empereur est l’empereur (?) ; de même “la représentation du Christ est le Christ ; et celle d’un saint est le saint. ‘Et le pouvoir n’est pas coupé en deux, ni la gloire n’est divisée, mais la gloire rendue à l’image appartient à celui que l’image représente’ (p 110). Photius (820-891) appelle les iconoclastes ‘des christomaques pires que les juifs’ et ‘souligne avec force l’enseignement par l’icône. Celui qui le refuse a déjà refusé l’enseignement par la sainte Écriture. Vénérer l’icône signifie comprendre correctement la sainte Écriture et vice versa’ (p 181). Des polémiques plus tardives, au Grand Concile de Moscou notamment (1666-7), porteront sur les représentations de Dieu le Père, du Saint-Esprit, de la Trinité, de la Vierge, etc. La suite, du XVIIe siècle au présent, est l’histoire d’une décadence de l’icône. L’auteur l’attribue à l’influence culturelle de l’occident inoculée par les Tsars, les jésuites et les francs-maçons, et à la perte d’autonomie de l’Église orthodoxe dans le cadre du Saint Synode. On peut penser que le formalisme étroitement conservateur imposé aux iconographes a joué son rôle.

L’auteur ne traite que par allusion des critères qui font la ‘différence radicale entre une image véridique, historiquement vraie, sacrée, et une image profane’ (on les trouvera dans ‘Icônes et saintes images, la représentation de la transcendance’ de Philippe Sers, Les Belles lettres, 2002, mais sont-ils ceux d’Ouspensky ?). Il utilise des termes peu familiers (déesis, épiclèse, hésychasme, hypostase, lumière thaborique, pneumatologie, etc.) ou chargés d’un sens non familier (économie, prototype, thrène, etc.), mais son livre ne contient pas de glossaire ni d’index (on les trouvera dans le livre de Sers). La qualité des 56 illustrations en noir et blanc est du niveau d’une photocopie (pour 58 € tout de même !). La plupart reproduisent des icônes russes, généralement sans mention de leur lieu de création ou de conservation. Curieusement, aucune n’est d’Andreï Roublev et la seule icône reproduite en couleur, sur la couverture, est de l’auteur (il y a 78 illustrations en N&B et 32 en couleurs chez Sers).



En bref, ce livre écrit par un iconographe qui a vécu en France depuis 1926 étonne par sa sécheresse dogmatique et par son opposition à l’Occident. Saint Andreï Roublev est grand, mais aussi Masaccio son contemporain, et cent autres exemples viennent à l’esprit. Il est vrai qu’il n’aborde ni l’élaboration technique et esthétique de l’image vraie, ni l’expérience spirituelle du regard sur l’icône, ou mieux du regard de l’icône.

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Vers l'unité ?

Un bref ouvrage écrit par l'iconographe Leonid Ouspensky, où il analyse la question de l'unité des églises d'un point de vue orthodoxe. Trop souvent le discours de l'oecuménisme cherche à établir la paix, qu'il confond avec des déclarations pacifiques et des accords signés, sur des demi-vérités, des non-dits et une sorte de volontarisme vertueux. Il n'y a de paix et d'unité que si la vérité n'en est pas la première victime.
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