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Citation de Abeilles


A aucun moment, je n'ai eu peur qu'elle ne meure. J'étais certaine qu'elle allait s'en sortir. Je me fiais à un bon pressentiment ainsi qu'aux pronostics encourageants de ses médecins. En revanche, j'avais honte. Je me sentais rongée de l'intérieur. Des mois que je me plaignais de mon poids, de mes fesses, de mes cuisses trop flasques, de mes genoux trop mous, de mon ventre qui débordait de mon jean...des mois que j'insultais mon corps dans le miroir chaque matin et que je lui injectais le poison de ma haine en m'habillant. Des années que je le comparais, le jugeais, le rabaissais. Jamais je ne lui avais dit merci. Merci de me permettre de marcher, merci de me laisser danser jusqu'à l'aube, merci de nager quand je lui ordonnais, merci de courir quand il fallait attraper un bus, merci de faire l'amour et d'enlacer ceux que j'aimais, merci pour les baisers doux, merci d'avoir bien voulu accueillir un enfant dans sa cavité, merci de l'avoir mis au monde en bonne santé, merci de le porter encore sur mes épaules, merci, merci, merci. J'avais fait preuve d'une ingratitude totale pour ce corps qui n'était pas malade. Je le maltraitais. Je le submergeais de sucre, d'alcool et de gras. Je refusais de l'écouter et il continuait de me servir sans me trahir. Il était temps de l'honorer. (p. 98)
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