Je laisse voyager mes yeux sur le spectacle donné par le fleuve royal, une barque essaie de remonter le courant à la voile, mais le vent souffle très légèrement. Dans mon champ de vision, je devine sous un manteau voletant au gré de sa marche un corps de rêve. Elle traverse la place, s’arrête au milieu pour prendre connaissance des affiches du cinéma, continue ses pas. Elle se dirige vers sa droite en direction d’une petite rue et disparaît tel un mirage. Cela n’a duré qu’un instant, plus qu’éphémère, mais j’ai pris un plaisir immense. Je m’abandonne dans un songe qui laisse à penser que le monde va bien, que tout paraît beau, que tout est amour. Je suis tiré de ma torpeur par une sonnerie de téléphone. Ah, ces engins devraient être supprimés. Mais pourquoi ne répond-il pas pour qu’elle s’arrête ? Soudain, je prends conscience que c’est mon appareil qui réveille le quartier. Aucun contact connu ne s’affiche sur l’écran. Je décroche néanmoins. Je n’ai même pas le temps de prononcer un mot.
Je sommeille très mal cette nuit-là. Sans cesse, je me tourne, me retourne, m’endors et m’éveille. Quelque chose me mène la vie dure et m’empêche de me reposer. Certes, je rêve aussi, ou plus exactement je cauchemarde.
Le lendemain matin, je me ranime très difficilement. Je ne me sens pas en forme, tant s’en faut. Pour sortir de ma torpeur, je me glisse dans la cabine conçue à cet effet et reste longuement sous la douche. Je me purge de cette langueur qui m’assaille. Je me souviens avoir mal dormi. Je voudrais effacer cette vision de la langue fourchue du serpent qui me nargue. Je désirerais conserver celle de la belle jeune dame en robe blanche. J’appelle de mes vœux pour que, finalement, tout cela cesse.