Louis Leprince-Ringuet

Quand on voyage en Afrique, on est en contact avec une pléïade de jeunes et puissants ministres et dirigeants. Tous les gouvernants, le recteur de l'université d'Abidjan, le doyen sont à peine quadragénaires. Accueillants, vivants, actifs, intelligents, ils sont engagés dans une entreprise de développement de leur pays, de croissance continue, d'amélioration des conditions de vie. Mais les progrès sont parfois retardés par une maladie inquiétante, largement répandue d'ailleurs dans bien des régions du monde : un certain manque de désintéressement de la part des responsables. Il faut le dire à nos amis. Le Liberia bat, semble-t-il, tous les records, mais ailleurs on retrouve des phénomènes analogues. Par exemple, dans trop d'hôpitaux, les médicaments sont revendus par des infirmiers avec la fréquente complicité des médecins. C'est admis ou toléré. Trop souvent ceux qui possèdent une autorité, une puissance administrative, se laissent aller à en profiter pour "investir d'abord pour eux-mêmes" comme on dit pudiquement. C'est un mal qui ralentit le développement des pays africains. Un peu plus de sens civique éviterait la juxtaposition d'une classe de super-privilégiés roulant Mercedes et d'une nuée de super-pauvres.

Chapitre III (les grands mouvements géopolitiques) de la troisième partie.