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Critiques de Louis Ploton (2)
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L’amour chez les seniors

L'amour est une modalité d'existence, un mode d'investissement affectif. Partant de cette théorie exposée en introduction, les contributions la déclinent.



Louis Ploton présente sa thèse : l'affectivité est à la base de la vie psychique, de la naissance à la mort. Elle détermine tout notre "fonctionnement cognitif". Mémoire constituée tout au long de l'existence, et peut-être, pour une part, sans que l'on sache dire comment ni pourquoi, héritée de ses aïeux, le registre affectif est pourtant tourné vers l'avenir et, sous l'angle de l'affectivité, s'enrichit continument des expériences vécues. le fonctionnement affectif fait donc intervenir toute la vie psychique de l'individu : imaginaire, cognition, communication consciente et inconsciente, etc. L'affectivité finit par influencer l'humeur qui induit des pensées positives ou négatives.



On peut donc vivre sans amour mais non sans investissement affectif. L'amour n'est qu'une des modalités de l'investissement affectif de l'individu ; certes la plus exaltante puisqu'il projette l'existence vers l'avenir et la vie, vers une existence de qualité. L'amour, ici chez les seniors, mais en vérité chez tout le monde, serait ainsi à considérer sous l'angle affectif, lequel permet une déclinaison riche et nuancée du sentiment amoureux dont la sexualité ne serait, même si la puissances des sensations qu'elle déchaîne la rendrait inévitable pour la formation du couple jeune, qu'un des modes d'expression privilégié.



Avant la sexualité, il y a donc l'investissement des individus à s'engager dans la réalisation de relations affectives satisfaisantes, voire, dans la mesure du possible, mutuellement valorisantes. Cette réalisation se nomme l'accordage affectif. Sa défaillance durant l'enfance abîmerait durablement le fonctionnement affectif.



Le temps, qui nous fait vivre l'expérience de la fragilité après que nos sensations fortes se sont émoussées et qui s'offre à nous pour créer des opportunités de réduction des tensions négatives, serait alors une condition favorable de développement, d'entretien et de consolidation harmonieux du registre affectif. La mort, comme jalon achevant le temps de l'existence, n'influence en rien la projection de l'individu dans l'investissement affectif visant à l'amélioration de sa qualité d'existence. le temps objectif n'entre pas dans le registre affectif, mais seul le temps subjectif, rythmé par les affects. Cette attention portée par l'individu à l'amélioration de son registre affectif se nommerait l'amour. Bien loin d'être exclusive, la notion se décline au contraire à l'infini selon la diversité des modes d'interaction dont l'existence nous affecte, mais toujours sous la considération que l'expérience instantanée n'est qu'un moyen d'amélioration d'un registre affectif en perpétuelle construction. C'est ainsi qu'on en arrive à pouvoir parler dans toute la plénitude de sa définition, de l'amour chez les séniors – qui, par l'universalité de sa définition désormais exposée, nous permet en vérité de parler d'amour tout court.



Yves Clerq recommande de ne pas se laisser influencer par les prescriptions contemporaines dans le sentiment d'amour qui, pour se développer et être ce qu'il est, demande de l'introspection, de l'attention et de l'intérêt porté aux autres ; et donc, autant de subjectivité, de réciprocité, que d'instantanéité. le passéisme d'un sentiment romantique d'amour, le refus d'expérimenter la perte ou la fragilité ou encore la promotion du plaisir immédiat nuiraient au sentiment d'amour. La complicité, la confiance et l'acceptation de soi, catalyseur de l'amour, seraient certes mis à mal en ce que la dépendance induite par l'avancée en âge nous contraint à l'humilité. La rencontre de l'autre resterait, quoi qu'il en soit, la condition de l'amour.



André Carel distingue l'amour amoureux, érotique, l'amour amical et l'amour affectueux. La tendresse serait un sentiment transversal qui présente la singularité d'inhiber la pulsion – et donc de contourner le refoulement. Tout amour peut être tendre, mais tout amour n'est pas tendre. La perversion serait le déni de la valeur de l'autre, qui annihile toute possibilité de tendresse. Ce risque de la perversion n'est pas seulement celui de l'inceste, mais peut aussi être celui du thérapeute qui, au nom de l'objectivité de son approche, et par crainte de subit un transfert d'un patient qui dirigerait vers lui ses pulsions, déciderait de s'affranchir envers lui de toute tendresse. La notion reste donc évaluative et demande que l'on puisse toujours se référer à sa capacité de jugement. le thérapeute aurait la responsabilité d'user de tendresse envers son patient et de recourir aux distinctions des trois formes d'amour pour poursuivre la cure tout en gardant la capacité à contourner le risque de transfert.



L'amour combine, pour Michel Delage, la sexualité et, comme fait d' « être attaché à » autrui, l'attachement. L'organisation mentale de l'attachement se consoliderait durant l'enfance et influencerait toute la vie amoureuse. Il distingue quatre formes d'organisation et en déduit des comportements spécifiés face à la perte et à la séparation



Pierre-Marie Charazac met en évidence que les formes de désamour de la vie, même après 85 ans, comme la peur de vivre, la vie comme un fardeau, la vie vide de sens, la mort comme refus de vieillir, sont encore à ranger sous l'angle de l'affectivité : il s'agit toujours pour l'individu de trouver une personne qui sache répondre à la demande de transfert de ses ruptures affectives infantiles. Se présente la difficulté et l'affrontement de la charge affective pour le personnel soignant des ephad de contribuer à favoriser l'amour de la vie en collectivité pour ces personnes devenues colériques, pessimistes et agressives et qui ont, par leur exigence irréaliste que leur soit offerte une vie idéalisée, perdu toute notion de ce qu'une vie de qualité, dans la mise en pratique de la dernière étape de la vie pulsionnelle qu'ils vivent, la vieillesse, peut bien vouloir signifier.



Marion Péruchon, dans le cas du couple âgé, perçoit deux courants, l'un tendre et l'autre sensuel. le premier serait l'abandon de l'érotisme du second, qui a formé la vie du couple, vers, le cas échéant, l'attachement primaire, celui de l'enfance. L'individu reproduit à l'âge adulte, privé d'érotisme, l'attachement à son père, à sa mère, par exemple. La désérotisation serait ce cheminement, vécu comme un renoncement à l'érotisme, par crainte, par exemple, que le corps défaillant inflige des blessures narcissiques que l'on anticipe plus difficiles à vivre qu'un refus définitif de sa sexualité. le courant sensuel mène au contraire à poursuivre, voir accroître l'activité sexuelle. le désinvestissement érotique peut mener au mysticisme, comme forme d'amour investi dans un objet idéalisé. Au contraire, il peut mener, en réaction, et par crainte d'une perte de libido, que l'on nomme le démon de midi, à la cinquantaine, et celui de minuit, au troisième ou quatrième âge, à une pulsion sexuelle redoublée vers un objet réel, dans le but de retrouver des sensations passées. L'objet est alors souvent très jeune. On peut y succomber ou y résister par crainte d'une douleur plus grande en envisageant la possible rupture à venir – le narcissisme reprendrait ici le dessus vers la tendresse.



Le narcissisme, justement, peut, selon Mireille Trouilloud, abîmer la relation amoureuse d'un couple âgé. L'humiliation, sous l'effet de la maladie, d'une incapacité, d'être pris en charge par un conjoint devenu aidant par la force des choses, ou, au contraire, le refus d'apporter cette aide au conjoint pour l'orgueil de maintenir le souvenir de la nature de l'attachement qui a justifié la mise en couple – le « pacte fondateur » - , mène à de la frustration, à du désamour, à la destruction de la relation amoureuse et de l'accordage affectif. L'antidote serait le maintien de l'investissement affectif vers l'amour : jusqu'au bout, continuer d'aimer et de se sentir aimé…



Mais que devient l'amour lorsqu'il est surveillé et lorsque le souvenir fait défaut ?, demande Thierry Darnaud. le risque de violence quand se produisent ou se poursuivent des relations non consenties, des attouchements, des insistances, ou plus, se présente aussi en établissement pour personnes âgées. Que devient le consentement mutuel dans les ephad où la mémoire des pensionnaires s'évapore et que la responsabilité des relations est reportée sur le personnel soignant ? Peut-on interdire les premières séductions au prétexte de la tranquillité de chacun et avant même qu'une conscience ne soit née de ce qu'elles engagent, de ce que l'on ressent ? le souvenir faisant défaut, quand peut-on estimer qu'un accord conscient pour la poursuite voire le renforcement d'une relation affective puisse être donné ? Comment prendre en considération le passé des pensionnaires, dont certains, peut-être, reproduisent le mode de vie libertins qu'ils ont eu étant plus jeunes, à la recherche d'aventures sans lendemains, dans un lieu qui est pourtant maintenant clos ? Jusqu'où nier l'autonomie de la personne prise en charge et que dire à la famille si des relations se nouent ? Faut-il tout surveiller au risque de détruire l'intimité des personnes – ou la maintenir au risque d'accroître des tensions ? Les études montrent par ailleurs que le chercheur relève nombres d'interactions de connivence que l'habitude occulte au personnel soignant… à moins qu'il ne soit lui-même complice, s'interrogeant déjà largement sur ces frontières perméables, subjectives et délicates à figer définitivement…



Louis Gonzales s'interroge sur ce besoin permanent de l'être humain de séduction – et conclut qu'il pourrait tout simplement devoir être mis en relation avec le temps : la séduction éveille le désir ; et le désir est-il autre chose qu'une promesse d'avenir ? Vivre sans désir, donc sans séduction, reviendrait à vivre sans avenir…



La question de la démence traverse la contribution de Michèle Grosclaude. Elle souligne l'importance de l'encadrement de la vie affective des personnes les plus fragiles, intellectuellement dépendantes. Dans le documentaire « Une jeune fille de 90 ans », écrit-elle, un « jeune et beau danseur » vient animer une activité de danse dans un établissement gériatrique. Une femme âgée qui vivait dans le désespoir, parlait et se mouvait avec difficulté, ne savait plus son nom, émoustillée par son partenaire de danse, retrouve goût à la vie, ses mouvements, sa parole et même son prénom. L'activité ayant pris fin, le danseur ayant disparu, la femme âgée a replongé en fin de documentaire dans son apathie. Il s'agirait pour le documentaire, dans l'attrait que l'on manifeste pour l'existence, de mettre en évidence le rôle du désir, quel que soit l'âge, de la séduction, en un mot, de l'amour. Certes, semble répondre la clinicienne, mais où se trouvent les soins nécessaires à la personne âgée dont le développement affectif a ainsi été observé pour les besoin d'un documentaire une fois que l'expérience émotionnelle a pris fin ? Si l'excitation du désir amoureux trouve un intérêt thérapeutique, comment l'instituer pour les personnes âgées, le cas échéant vivant en établissement gérontologique, et plus encore si elles sont démentes ?



On saisit que la question s'étend à toute la société et interroge la liberté individuelle autant que la responsabilité de la société à organiser le bonheur de ses sociétaires, dans une extension qui fait de la société mondialisée close sur elle-même, un établissement de vie collectif où la subjectivité de chacun n'est pas indépendant de l'objectivité des connaissances et de la structure de l'organisation…



Un petit opuscule extrêmement dense dont la difficulté de l'approche se justifie par la subtilité de ses contributions et qui m'a semblé ne révéler toutes ses richesses et la cohérence de son organisation que par la relecture de son introduction à l'issue de la prise de connaissance de l'ensemble de ses contributions… J'aurais aimé néanmoins qu'une contribution s'attache à la situation des personnes homosexuelles dans les établissements de santé... peut-être, sans doute, une prochaine lecture.
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Ce que nous enseignent les malades d'Alzhei..

Cet ouvrage focalise son propos, certes, sur la maladie d'Alzheimer, mais aussi et surtout sur les personnes atteintes par cette maladie.

Il s'appuie sur une longue pratique d'intervention en institution dans le cadre d'accompagnements individuels ou familiaux et au cours de groupes d'activités sociothérapiques.
Lien : http://www.universcience.fr/..
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