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Citation de Jenndrix


Louise Chennevière
C’est pas qu’elle déteste la vie, non, pas exactement. C’est juste qu’il y a toujours eu, dans sa vie, quelque chose qui prenait trop de place. Ce quelque chose, c’est elle. Elle s’imagine parfois la vie dans un autre corps que ce corps-là, haï, mutilé, qui n’en peut plus. Elle n’en veut plus. Elle ne veut rien d’autre que s’en débarrasser au coin d’un jour comme on abandonne une chienne sur le bord de la route, sans se retourner. Mais on l’aime. Alors on veille à ce qu’elle n’y parvienne pas. On la maintient, si ce n’est en vie, du moins dans ce corps. Ce corps qui à force de n’avoir pas servi, de n’avoir pas fait l’amour, de n’avoir pas dansé, de ne pas s’être baigné dans les vagues, de n’avoir plus senti le soleil chauffer sur sa peau, n’en était plus un, rien qu’une pauvre enveloppe, si mince et si pesante pourtant.
Ce corps si froid, presque glacé, qui voudrait seulement : glisser dans l’invisible. Mais ce corps que tout le monde regarde, juge, quand, lentement, elle marche dans la rue, ce corps que l’on observe, mesure, examine, et elle-même qui se guette, s’épie, comme on surveille un ennemi, son propre corps pourtant et qui la surprend au coin d’une rue, au détour d’un reflet, envahissant un instant l’univers tout entier. Oui, depuis longtemps l’univers n’est plus que cela, son corps. Et la mort y rôde, comme chez elle. Le monde n’est plus qu’un squelette.
Elle se demande encore comment font les autres pour vivre avec ça, un corps, parfois, en regardant simplement les gens marcher dans la rue, comme si c’était si simple, marcher, et comme si ça ne coûtait rien, se lever, et courir, s’étirer, et danser, et pourquoi elle n’y arrivera jamais. Et elle a questionné les psys, les médecins, et sa mère, toujours on lui a répondu que ce n’était pas de sa faute à elle, que c’était normal de ne pas parvenir à exister après ça. Oui, c’est normal, c’était juste la pénétration dans son corps de son père, une nuit, enfant. Et son corps qui n’existe pas sans cette nuit-là.
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