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Citations de Louise Chennevière (28)


Oui j'aurais préféré, n'avoir rien à en dire parce qu'on n'écrit jamais que sur les choses quand elles sont mortes, quand elles ne sont plus, et que j'aurais voulu me tenir moi, pour toujours à l'instant de ce bonheur avec toi.
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(...) parce que je sais pas du tout ce que je vais en faire de mon corps, si t'es plus là, pour le regarder, le prendre, si tu ne veux plus de moi, moi qui ne suis rien, rien sans toi, je t'en supplie ne pars pas, me laisse pas, seule.
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Et je ne sais pas du tout comment je vais faire, si tu me manques déjà autant, alors que tu viens tout juste de partir.
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Louise Chennevière
Sur le palier d’à côté, un couple vient d’emménager. Comme chaque nuit la petite pleure, les parents se déchirent. Ils ont dû tellement la désirer, pourtant, leur petite chose de rien du tout. Elle a dû beaucoup caresser son ventre la fille, beaucoup rêver. Elle a dû acheter des tas de vêtements, des petits bodys roses, elle a dû sentir monter en elle comme une vague puissante, comme le lait dans ses seins, l’amour maternel. Il est tard désormais, et tous les trois crient dans le silence de la nuit. Et moi ça me prend comme ça parfois, quand j’arrive pas à dormir, l’envie de crier aussi, de leur gueuler des horreurs, de taper contre le mur, l’envie d’entrer par effraction, et de faire ce qu’elle ferait jamais la fille, étouffer le bébé sous son petit oreiller, le faire taire une bonne fois pour toutes.

Jamais je n’ai été enfant. Ma mère ne l’aurait pas permis, elle était comme moi ma mère : les gosses elle détestait ça. Moi, je l’ai vite compris et j’ai essayé de me faire toute petite, de me faire pas enfant, de me faire adulte, sérieuse, et silencieuse, dans un coin. Ce n’était jamais assez. Je ne lui en ai jamais voulu. Longtemps pourtant je me suis demandé comment j’étais arrivée à ma mère, à elle qui voulait tellement pas de ça, à elle qui voulait tout sauf ça, cette chose étrange, chronophage et coûteuse, elle bossait déjà tellement. Je lui étais arrivée de nulle part, un jour comme les autres, alors que rien dans son corps n’avait trahi le secret, dévoilé les mystères, que son ventre ne s’était pas arrondi, que ses seins n’avaient pas gonflé, que ses jambes ne s’étaient pas alourdies, qu’elle détestait toujours autant les fraises et bouffer. Ma mère était très maigre. Oui, j’étais arrivée comme ça, d’on ne sait où, sur simple malentendu, d’un oubli, sortie de la nuit profonde de tous ses tapins, du sexe des centaines d’hommes qui étaient passés par elle, comme un affreux complot.
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Louise Chennevière
Mais tu pressens vaguement qu’il y a quelque chose qu’on a mis là, dans ce tu es une femme, que tu ne peux congédier si facilement, qu’il te faut affronter. Et cette douleur-là qui t’habite et te hante, t’obsède, tu devines, à force de la pratiquer, que tu n’en es pas seule responsable. Oserais-tu penser que peut-être tu en hérites ? Venue du fond du monde, portée par tous les discours, ravivée au feu des bûchers inlassables, des brasiers calcinant les chairs, scintillant dans les yeux avides des hommes, cette haine venait d’ailleurs, n’était pas la nôtre. Tu penses à toutes celles qui avant toi l’ont éprouvée, tu penses à tous ces mots qui ont manqué, et que les femmes se taisent dans les assemblées, et ne pas parler le latin, et la parole confisquée pour l’éternité, et leur propre pouvoir volé. Des voix pourtant bruissent dans le silence.
Et il y a comme quelque chose qui vient échouer en toi, un peu d’écume des siècles, quelques restes du monde. Soit alors, à la hauteur de ce que ces restes exigent, de ce que demandent ceux qui, ont par le monde, été réduits au silence. Celles. Assume-le, assume-les. Celles qui ont été réduites au silence. Ce silence c’est ton histoire, ma vieille, ma petite, ma chérie. Dans le vacarme de l’histoire, ne reste de vous, que ce mutisme, ce trou, et dans la nuit de la peinture, le silence comme un écho sur vos lèvres entrouvertes, déjà prêtes à se clore à nouveau, comme si vous aviez toujours su que vos voix ne seraient jamais entendues. J’écoute résonner ce silence, rebondir cet écho. Des fantômes peuplent ma solitude. Invoquer les esprits, les mânes des morts. Tu as envie, mais tu as peur : fouiller les invisibles.
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Louise Chennevière
Elle n’avait rien fait. Elle avait eu honte, et cette honte lentement l’avait dévorée. Elle s’était tue. Depuis trop longtemps maintenant elle se taisait alors que cette chose-là, en elle, n’avait jamais cessé de gueuler. Elle hurlait parfois sans le vouloir. Elle n’avait plus jamais dormi. Elle avait eu peur et toute sa vie n’était plus que cela. Une peur injustifiée, une peur folle, hystérique.

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Louise Chennevière
Et elle qui n’avait jamais eu beaucoup de désir, les garçons le lui avaient reproché souvent, la distance, et le corps qui résiste, et puis ils l’avaient quittée toujours, et elle était restée seule dans sa nuit.
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Louise Chennevière
C’est pas qu’elle déteste la vie, non, pas exactement. C’est juste qu’il y a toujours eu, dans sa vie, quelque chose qui prenait trop de place. Ce quelque chose, c’est elle. Elle s’imagine parfois la vie dans un autre corps que ce corps-là, haï, mutilé, qui n’en peut plus. Elle n’en veut plus. Elle ne veut rien d’autre que s’en débarrasser au coin d’un jour comme on abandonne une chienne sur le bord de la route, sans se retourner. Mais on l’aime. Alors on veille à ce qu’elle n’y parvienne pas. On la maintient, si ce n’est en vie, du moins dans ce corps. Ce corps qui à force de n’avoir pas servi, de n’avoir pas fait l’amour, de n’avoir pas dansé, de ne pas s’être baigné dans les vagues, de n’avoir plus senti le soleil chauffer sur sa peau, n’en était plus un, rien qu’une pauvre enveloppe, si mince et si pesante pourtant.
Ce corps si froid, presque glacé, qui voudrait seulement : glisser dans l’invisible. Mais ce corps que tout le monde regarde, juge, quand, lentement, elle marche dans la rue, ce corps que l’on observe, mesure, examine, et elle-même qui se guette, s’épie, comme on surveille un ennemi, son propre corps pourtant et qui la surprend au coin d’une rue, au détour d’un reflet, envahissant un instant l’univers tout entier. Oui, depuis longtemps l’univers n’est plus que cela, son corps. Et la mort y rôde, comme chez elle. Le monde n’est plus qu’un squelette.
Elle se demande encore comment font les autres pour vivre avec ça, un corps, parfois, en regardant simplement les gens marcher dans la rue, comme si c’était si simple, marcher, et comme si ça ne coûtait rien, se lever, et courir, s’étirer, et danser, et pourquoi elle n’y arrivera jamais. Et elle a questionné les psys, les médecins, et sa mère, toujours on lui a répondu que ce n’était pas de sa faute à elle, que c’était normal de ne pas parvenir à exister après ça. Oui, c’est normal, c’était juste la pénétration dans son corps de son père, une nuit, enfant. Et son corps qui n’existe pas sans cette nuit-là.
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Louise Chennevière
Tu te tais. Depuis trop longtemps tu te tais. Dans la cohue des villes, dans le bruissement des siècles, dans ta petite chambre, tu te tiens en silence. Alors que tu voudrais simplement : avoir le courage de dire les choses, telles. Mais tu es lâche, et il y a une telle distance entre ce que tu aurais voulu dire et ce que tu vis. Engluée dans ton existence, prisonnière de ton corps, toi qui aurais tellement voulu être un héros et, dire les grandeurs du monde.
Mais tu demeures allongée dans ton lit, les mots comme les sanglots ruissellent dans tes entrailles, ta gorge. Tu entrouvres légèrement les lèvres mais rien de toi ne s’échappe, tu plisses le coin de tes yeux pour frayer un chemin aux larmes, mais tes yeux, ta bouche sont secs, arides comme les champs après les campagnes de terre brûlée. Un arrière-goût de cendre. Tout autour est étonnamment calme, presque serein et tu n’y peux rien. Tu ne sais ce qui t’empêche d’agir, de parler, et de vivre, l’on t’a dit que c’était toi seule et d’abord tu l’as cru. Il te semble pourtant comme un bâillon posé sur ta bouche, et ton corps lié, ligoté par mille et une cordes invisibles, nouées savamment et de main de maître.
Où es-tu donc passée ? Et qu’est-ce qui t’a engloutie ? C’est peut-être ce silence.
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Et pourtant tout était si étranger, comme à distance. Et pourquoi son existence était-elle si vague, presque abstraite ? Et pourquoi lui semblait-il parfois perdre pied et comme se noyer dans sa propre puissance, parmi les choses, les hommes ? Et pourquoi ces horribles cauchemars toujours les mêmes, quand lovée dans les bras d’un homme, ou bien seule dans le grand lit ? Et les loups déchirant son corps à l’orée d’une clairière, et les vautours dans un grand bruissement d’ailes, et les charognards dévorant sa carcasse, et les vers fourmillant dans sa chair pourrie déjà, et elle-même flottant légèrement au-dessus, souriant béatement, elle-même indifférente au dépècement de son corps ? Et ce sentiment parfois d’être allée trop loin, trop vite, de ne plus jamais pouvoir revenir en arrière Revenir à quoi ? À la petite maison sombre et humide ?
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C’est une histoire de haine. Je l’avais vue, enfant, brûler dans les yeux de ma mère et la lueur de cette flamme-là n’a jamais cessé de brûler en moi depuis.
Cette histoire doit remonter loin, aussi loin qu’aiment à remonter les psychanalystes, à la plus tendre enfance, aux mains épaisses et larges de ma mère saisissant mes cheveux, empoignant mon petit cou, plus loin encore, aux coups de mon père sur ma mère enceinte, et sur ma mère si jeune, si frêle, son amante. Ça doit remonter plus loin, bien plus loin que moi, bien plus loin que ma mère. Cette haine vient d’ailleurs, n’est pas la nôtre. Pourtant, c’est moi qu’elle brûle.
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Je ne peux parler en mon nom, car de nom je n’en ai pas. Dire je serait déjà mentir, car ce je, noir sur blanc, sur cette page, dans le livre, n’est pas mon lieu. Longtemps pourtant tu t’es tenue dans le mensonge, et dans le langage, avant de comprendre que ces mots n’étaient pas les tiens. Qu’ils ne permettaient pas de te dire telle que tu es. Longtemps tu as dit je, comme si c’était seulement possible, te tenir seule, en toi. Le miroir s’est brisé et tu as volé en éclats. Tout était trop propre, trop simple, facile. C’est dégueulasse. Recoller les morceaux tu voudrais. Comme des fragments de toi. Mais toi qui es-tu ? Et as-tu le droit de parler, toi, en ton nom ? Et avec quels mots, et comment dire la dépossession ? Et la honte, et les caillots de sang dans la culotte, et le sang qui ne vient plus ? Et ce trou d’ombre ? Et la douleur du corps qui fait défaut, qui se terre, dans les recoins, les cavités, les cloaques de l’existence ? Et toi qui femme, n’es qu’un corps tout entier ?Mais tu recules devant le nous car, tu sais sa tyrannie, et qu’aucune douleur ne se partage, sauf à mentir et tu voudrais : sortir du mensonge. Ne pas le redoubler. Pourtant, il te semble que cette douleur qui te blesse n’est pas la tienne seule, que d’autres aussi l’ont éprouvée et qu’elle n’est pas de ta faute. Qu’elle est celle que le monde a forgée pour toi. Car à bien creuser le silence, à fouiller la merde, à remuer les invisibles, il te semble qu’il y a quelque chose qui vous lie. C’est, peut-être, cette façon particulière de n’être pas soi, d’être toujours déjà une image. D’être toujours déjà, d’abord, une femme.
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Souvent je ne pensais à rien. C’était comme une effarante torpeur. L’avenir sans rien
dedans. Une solitude sans contenu, sans fond. J’étais, sans force et sans désir. Je passais des heures allongée sur le lit, dans
le vague. Je sortais parfois la nuit, quand je n’en pouvais plus, une flasque dans la poche, je marchais sans but, je repassais
toujours par ces lieux où nous avions été ensemble, la seule où tu avais été là, dans cette ville que tu disais ne pas aimer, que
je voulais moi, te montrer, et nous avions marché jusqu’au matin.
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La journée je ne sortais pas, je
ne supportais pas de voir vulgaire, pressée, la vie tout autour continuer, une vie dans
laquelle il n’y avait pas de place pour cette douleur que je traînais partout avec moi.
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Je ne mangeais rien, voir les autres le faire même me dégoûtait. Et rire, je détestais les entendre, rire. Je buvais beaucoup. J’avais commencé tout
de suite, ce matin-là où j’étais revenue. J’étais restée un moment sur le seuil de mon studio, j’avais regardé chacune des choses, le courrier entassé à mes pieds, le lit défait, les livres empilés contre le mur, des feuilles entassées sur le bureau, les photos au mur, les plantes sur le balcon qui avaient crevé, à travers la fenêtre les arbres décharnés déjà, aux branches desquelles ne restaient que quelques feuilles moribondes, tristes.
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Longtemps j’ai attendu que tu
reviennes, longtemps je n’ai rien fait d’autre que ça. Attendre. Les jours étaient trop longs à charrier la nuit, les nuits trop lentes à ramener le jour, que je regardais
se lever depuis la fenêtre de mon studio, depuis cette solitude, immense, sauvage, à fumer.
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C’est toi, l’énigme de ta présence, le rythme impalpable de ton corps. Toi et non pas cet être abstrait, avec lequel depuis deux
ans je vivais, cet être sans substance, sans passé, désincarné, sans nom, par toi ridiculisé – Lui. Lui que je n’avais pas nommé pourtant, car quel autre nom que le tien aurais-je pu lui donner ? Et ça je ne pouvais pas, inscrire ton nom noir sur blanc, au cœur du livre à venir. Est-ce par pudeur,fierté, perversité, par jalousie, peut-être ?
Ton nom que je n’avais plus jamais prononcé, plus nulle part entendu, ni lu, ce nom que j’avais pris garde hier encore de ne
pas prononcer, comme si je savais qu’unevfois qu’il aurait été dit, il serait trop tard, que je ne pourrais plus l’oublier, ne pas
vouloir le dire encore et encore – qui était venu échouer sur le bord de mes lèvres,au fond de la nuit, dans le creux de tes bras, comme s’il s’était tout ce temps tenu quelque part en moi attendant de pouvoir
un jour encore, te nommer.
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Toi, et non pas cet être hybride, étrange mélange de souvenirs, de fantasmes et de mots, dans lequel j’aurais voulu, pour toujours te figer, derrière lequel pourtant je t’avais peu à peu,
perdu parmi les mots qui avaient lentement déformé ton corps, distendu les contours de ton être.
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Ce soir encore, j’ignore la
couleur de tes yeux, et s’ils sont noirs, aussi noirs que je les vois, je ne sais que la précision, l’insistance avec laquelle ils
se sont posés sur moi et m’ont à nouveau soumise tout entière. De toi, je ne sais toujours rien que la, brutale fascination que produit ton corps sur le mien.
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Comme c’était long de marcher sans avoir rien à se dire, juste à prendre de vagues nouvelles,
et nos corps à distance, indifférents l’un à l’autre, à la fois témoins et accusateurs de tout ce que nous avions laissé mourir, de ce qui ne reviendrait plus.
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