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Citation de Jenndrix


Louise Chennevière
Mais tu pressens vaguement qu’il y a quelque chose qu’on a mis là, dans ce tu es une femme, que tu ne peux congédier si facilement, qu’il te faut affronter. Et cette douleur-là qui t’habite et te hante, t’obsède, tu devines, à force de la pratiquer, que tu n’en es pas seule responsable. Oserais-tu penser que peut-être tu en hérites ? Venue du fond du monde, portée par tous les discours, ravivée au feu des bûchers inlassables, des brasiers calcinant les chairs, scintillant dans les yeux avides des hommes, cette haine venait d’ailleurs, n’était pas la nôtre. Tu penses à toutes celles qui avant toi l’ont éprouvée, tu penses à tous ces mots qui ont manqué, et que les femmes se taisent dans les assemblées, et ne pas parler le latin, et la parole confisquée pour l’éternité, et leur propre pouvoir volé. Des voix pourtant bruissent dans le silence.
Et il y a comme quelque chose qui vient échouer en toi, un peu d’écume des siècles, quelques restes du monde. Soit alors, à la hauteur de ce que ces restes exigent, de ce que demandent ceux qui, ont par le monde, été réduits au silence. Celles. Assume-le, assume-les. Celles qui ont été réduites au silence. Ce silence c’est ton histoire, ma vieille, ma petite, ma chérie. Dans le vacarme de l’histoire, ne reste de vous, que ce mutisme, ce trou, et dans la nuit de la peinture, le silence comme un écho sur vos lèvres entrouvertes, déjà prêtes à se clore à nouveau, comme si vous aviez toujours su que vos voix ne seraient jamais entendues. J’écoute résonner ce silence, rebondir cet écho. Des fantômes peuplent ma solitude. Invoquer les esprits, les mânes des morts. Tu as envie, mais tu as peur : fouiller les invisibles.
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