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Citation de Jenndrix


Louise Chennevière
Sur le palier d’à côté, un couple vient d’emménager. Comme chaque nuit la petite pleure, les parents se déchirent. Ils ont dû tellement la désirer, pourtant, leur petite chose de rien du tout. Elle a dû beaucoup caresser son ventre la fille, beaucoup rêver. Elle a dû acheter des tas de vêtements, des petits bodys roses, elle a dû sentir monter en elle comme une vague puissante, comme le lait dans ses seins, l’amour maternel. Il est tard désormais, et tous les trois crient dans le silence de la nuit. Et moi ça me prend comme ça parfois, quand j’arrive pas à dormir, l’envie de crier aussi, de leur gueuler des horreurs, de taper contre le mur, l’envie d’entrer par effraction, et de faire ce qu’elle ferait jamais la fille, étouffer le bébé sous son petit oreiller, le faire taire une bonne fois pour toutes.

Jamais je n’ai été enfant. Ma mère ne l’aurait pas permis, elle était comme moi ma mère : les gosses elle détestait ça. Moi, je l’ai vite compris et j’ai essayé de me faire toute petite, de me faire pas enfant, de me faire adulte, sérieuse, et silencieuse, dans un coin. Ce n’était jamais assez. Je ne lui en ai jamais voulu. Longtemps pourtant je me suis demandé comment j’étais arrivée à ma mère, à elle qui voulait tellement pas de ça, à elle qui voulait tout sauf ça, cette chose étrange, chronophage et coûteuse, elle bossait déjà tellement. Je lui étais arrivée de nulle part, un jour comme les autres, alors que rien dans son corps n’avait trahi le secret, dévoilé les mystères, que son ventre ne s’était pas arrondi, que ses seins n’avaient pas gonflé, que ses jambes ne s’étaient pas alourdies, qu’elle détestait toujours autant les fraises et bouffer. Ma mère était très maigre. Oui, j’étais arrivée comme ça, d’on ne sait où, sur simple malentendu, d’un oubli, sortie de la nuit profonde de tous ses tapins, du sexe des centaines d’hommes qui étaient passés par elle, comme un affreux complot.
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