La malfaisance humaine est laide parce qu’elle est sans excuse. Elle est sournoise, lâche, préméditée. Personne ou presque n’y échappe. Quand ce n’est pas le sang, on fait couler les larmes. Pas besoin de pistolet, les mots suffisent.
Depuis peu, quand je ferme les yeux, je vois un homme allongé nu sur un drap blanc. Je ne distingue pas bien son visage. C’est peut-être Léo, ou JP, ou n’importe qui. L’image arrive dès que j’ai les paupières closes. Au début, c’est une vision plutôt sereine, un moment de sieste tranquille. Mais peu à peu, comme au cinéma, des taches rouges apparaissent et commencent à ramper partout. Alors, je rouvre vite les yeux et je respire. J’espère qu’il y a d’autres pilules pour guérir de ça.
Ils ont raison, parano ou bizarre, je le suis. Je me raconte des histoires pour
remplir ma vie comme une page blanche. J’ai trouvé un pistolet et il ne s’est rien passé. Je me suis baissée pour ramasser un truc tombé d’une autre planète, un objet que jamais mes doigts n’auraient dû toucher selon toute logique.
Pour se débarrasser de son prochain, on peut toujours le tuer vivant. Le plus simple est encore de l’ignorer.
Je vois toute chose avec une infinie reconnaissance. Prenons le ciel, simplement. Quelle chance qu’il soit bleu, ou blanc, ou gris. Il aurait pu être rouge sang ou caca d’oie. Une telle pensée devrait suffire à nous rendre moins amers.
Je voudrais écrire, mais je n’y arrive pas. Pourtant, mon travail est la seule chose qui me rassure. C’est le dernier recoin de ma vie où je suis encore moi, où mon cerveau fonctionne à peu près tranquillement, sans embardées.
Mieux vaut l’avoir avec soi, s’en faire un allié plutôt qu’un ennemi. Sa luisance même évoque le péril. On ne fabrique pas d’arme jaune ou verte, un outil à tuer doit être couleur d’ombre.
Je l’ai toujours su, plus encore qu’une philosophie, la paresse est un don. Celui de vivre sans éprouver le besoin de justifier son existence, la preuve
qu’on peut être sans faire.
Comme un couple animal, nous partageons un territoire où chacun a ses marques. Nous avons en commun le minimum, sans doute l’essentiel : un lit et un compte en banque.
Pourquoi tuer ? Il suffit de savoir qu’on le peut. Que je reste là-bas ou non, je vais devenir sage, imbécile, donc heureuse.