Petit jour
Tristesse du petit jour,
Frôlement aux carreaux mornes, morne filtrée ;
Aux volets joints clarté, comme de lune, entrée
Sans luisance à travers les fentes du bois lourd ;
Tristesse du petit jour,
Lueur sans charme au fond de l'inerte campagne
Et qui, dans le silence, en silence aussi stagne,
Faible, laissant encor les choses sans contour ;
Tristesse du petit jour,
Sur les villes sans bruit que le repos fait mortes,
Le sommeil n'ayant pas relâché leurs cohortes
Passantes, par la rue et par le carrefour ;
Tristesse du petit jour,
Dans la chambre où vacille une lutte ennuyeuse
D'ombre burlesque avec la dolente veilleuse
Comme, au plafond, un ciel clair et noir tour à tour ;
Tristesse du petit jour,
Sur les sommeils, néants dans les oreillers souples,
Sombres, naïfs, vénals, malades, ceux des couples,
Rideaux fermés, sommeils lassés, sommeils d'amour ;
Tristesse du petit jour,
Sur la mer grise et large et largement étale...
Oh l'appel ! Oh ! le cri, parmi le brouillard pâle,
Trouble, double, que jette un bateau de retour !
Oh ! l'horreur de sortir des bons rêves mythiques,
D'avoir à vivre encore une fois tout un jour,
O tristesse du petit jour
Sur l'ennui, large ouvert, de deux yeux spleenitiques !