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Citation de lanard


lanard
15 décembre 2021
IV. Auteurs et droit d'auteur

Dernier métier enfin, lié à l'imprimerie et né grâce à elle : le métier d'auteur, au sens moderne.
L'auteur tirant bénéfice de la vente des exemplaires d'un ouvrage par lui composé : ce système est aujourd'hui passé dans les mœurs, mais on mit longtemps avant de le concevoir et de l'admettre ; on ne pouvait guère d'ailleurs l'imaginer avant l'apparition de l'imprimerie. Certes, les manuscrits faisaient l'objet de reproductions en série de la part des copistes ; mais comment concevoir au Moyen Age que ceux-ci rémunèrent l'auteur d'un texte dont ils n'avaient pas le monopole - et que tout le monde, après tout, avait le droit de copier? Dans ces conditions, les auteurs qui n'écrivaient pas pour la seule gloire et qui n'étaient pas assurés de revenus suffisants, ne pouvaient, nous l'avons vu, que recourir à la protection de quelque grand personnage - de quelque mécène, et vendre quelques exemplaires copiés par leurs soins. Lorsque l'imprimerie apparut, il n'y eut pas de changements brusques. Les imprimeurs, de même que les copistes, n'avaient pas le monopole de l'édition des ouvrages qu'ils publiaient. D'ailleurs, on mettait surtout sous presse des ouvrages anciens et d'ordinaire les éditeurs n'avaient besoin des services des savants ou des érudits que pour choisir les manuscrits à éditer et pour corriger le travail des typographes. C'est donc plutôt à titre de correcteur que l'homme de lettres fit alors sont entrée dans l'atelier. Beaucoup d'humanistes s'intéressant aux lettres devinrent ainsi correcteurs. Nous avons cité plusieurs cas.
Mais, bientôt, la masse des textes inédits arrive à s'épuiser ; les contrefaçons apparaissent et se multiplient, et, pour s'en garantir, les éditeurs commencent à solliciter des privilèges leur octroyant pour un temps le monopole de l'impression et de la vente des ouvrages qu'ils ont fait mettre sous presse ; et, de plus en plus, ils cherchent des ouvrages nouveaux à publier. Sentant l'influence qu'ils pourront exercer grâce à l'imprimerie, les auteurs deviennent de plus en plus nombreux à soumettre au libraire leurs manuscrits. Pour beaucoup d'entre eux, amateurs de belles-lettres plus ou moins en rupture de clôture, le problème de la vie matérielle se pose avec acuité.
Tous ne sont pas assez heureux ou assez disciplinés pour trouver un emploi de correcteur. Demander de l'argent au libraire, à qui ils confient leurs ouvrages et qui en tirera bénéfice, vendre donc l’œuvre de son esprit, ce n'est pas encore passé dans les mœurs : les auteurs du XVIe siècle - certains de ceux du XVIIe encore - se refusent à accepter semblable déchéance. Dans ces conditions, le système auquel beaucoup d'auteurs semblent avoir eu longtemps recours procède du traditionnel mécénat. Lorsqu'un ouvrage sort des presses, ils en demandent des exemplaire - rien de plus naturel - et prennent très vite, au temps d’Érasme, l'habitude de les adresser à quelque riche seigneur, ami des lettres, accompagnés de flatteuses lettres de dédicace. Cadeau que celui-ci saura apprécier et récompenser par un envoi d'argent. Au XVIe siècle, tout cela apparaît licite et fort honorable ; de même que l'habitude très vite prise de faire imprimer, en tête de l'ouvrage ou à la fin, des épîtres ou quelques vers louangeurs à l'adresse de puissants protecteurs qui ne manquent pas de payer, eux aussi ; quitte, si la somme n'est pas suffisante, à faire connaître à tous la ladrerie du puissant en question. Ne voit-on pas même un humaniste tel que Petrus de Ponte, l' "aveugle de Bruges", déçu par ses protecteurs, dédicacer à ses élèves un ouvrage en dénonçant ceux qui ne s'étaient pas montrés aussi généreux?
Ce système qui nous semble choquant, apparaissait alors tout naturel - bien plus honorable, encore une fois, que de vendre son manuscrit à un éditeur.
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