Telle fut, l'histoire de la naissance des archives de Simancas, où il convient de voir l'une des plus grandes œuvres culturelles de Philippe II. Deux siècles durant, on surveilla et on enrichit constamment le trésor dans l'esprit de son créateur, puis, subitement, un caprice de Napoléon Ier, décida que les archives de l'Europe entière seraient rassemblées à Paris. On y fit donc passer, en mai 1810, en trois énormes convois de fourgons, au moins 150 caisses bourrées de dossiers. Dans la forteresse espagnole, une douzaine de salles restèrent vides et une demi-douzaine de bibliothécaires sans emploi ; après plus de deux cents ans de durée, l'oeuvre de Philippe II paraissait avoir été détruite à jamais. Mais quatre ans après déjà c'était la chute de Napoléon, et le fleuve de papier reprit silencieusement le chemin de Simancas. Si cependant il reste encore aux Archives nationales de Paris un département dénommé « Fonds de Simancas », ce ne sont plus que les documents, comprenant 300 liasses environ, que l'on a considérés comme la partie la plus précieuse du prélèvement de Napoléon, et dont on a cru pouvoir concilier la rétention avec une bonne conscience et avec le droit des gens.
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