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3/5 (sur 1 notes)

Nationalité : Suisse
Né(e) à : Bâle , le 11/0/1943
Biographie :

Madeleine Knecht Zimmermann est une romancière.

Elle a grandi à Agen dans le Sud-Ouest de la France où son père était pasteur d'une paroisse de Suisses à l'étranger. Elle y a obtenu ses deux baccalauréats en 1961. Elle a fréquenté l’Université de Lausanne où elle a reçu une licence en Lettres en 1965.

Mariée, mère de famille, elle a enseigné le français au Collège du Bélvédère, puis au Gymnase de Chamblandes.

Depuis qu’elle a pris sa retraite, elle voyage sur la trace des siens. Elle a travaillé dans les Archives de plusieurs pays pour écrire l’histoire de la famille de son père, une famille nombreuse qui a traversé les cent cinquante dernières années avec son lot de guerres, de crises, d’émigrations et de bouleversements de toutes sortes.

Elle a écrit l'histoire de son arrière-grand-père, Philippe Zimmermann, "Le Cordonnier de Sainte-Croix", publiée aux Editions de l'Aire. Puis, dans divers pays d'Europe ou d'Amérique, elle a continué ses recherches pour trouver les descendants de son aïeul, et des documents ou des témoignages sur la dure vie de ses enfants.

Elle a publié plusieurs livres aux Editions de l’Aire et a reçu le prix Jean Thorens de la Société vaudoise d’Histoire et d’Archéologie pour l’ensemble de son œuvre en 2015.

Elle vit à Lausanne.
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Un jour, alors que Louis jouait aux billes avec ses amis devant le portail du jardin, elle installa Amélie et Jämes près de lui. Elle leur apporta des plots et des quartiers de pommes sur une assiette et se mit à lire en cachette, comme elle avait pris l'habitude de le faire. C'était jour de lessive. Catherine, dans la maisonnette du coulage, avait fait du feu. Le linge cuisait à gros bouillons. Elle disparaissait presque dans la vapeur et la fumée. Un fichu sur la tête, chaussée de lourds sabots, elle s'acharnait depuis l'aube. C'était au bout de la place comme un volcan. Par la porte ouverte on entendait siffler la chaudière, on voyait les flammes danser sous la lessiveuse, son couvercle se soulevait par instants, crachant des nuages effrayants.
Caroline était bien loin de là. Assise devant la maison, le dos au mur, elle lisait. Soudain elle entendit un hurlement srident. Elle revint brusquement à la Charmille, vit son père sortir en courant de la cordonnerie. Jämes jouait toujours avec ses plots, mais Amélie et Louis avaient disparu.
Elle est debout immédiatement. Ses jambes tremblent de peur, le souffle lui manque.
- Où sont-ils, où sont-ils ? implore-t-elle, en oubliant que Jämes ne sait pas parler.
Il la regarde, devine qu'elle est fâchée et se met à pleurer. Elle s'élance un instant sur la place, se précipite sans savoir où, erre dans le désordre, affolée comme une girouette, elle crie, elle appelle. Des enfants à l'entrée de la ruelle se lèvent et la regarde courir, étonnés. De la voir si agitée, ils ont envie de rire. Elle revient sur ses pas, prend Jämes dans ses bras. A ce moment Philippe sort du coulage, il porte Amélie inanimée, il court en direction de la maison. Catherine le suit, ils passent devant le jardin et ne voient pas les deux enfants.
Caroline alors se rue vers le coulage, l'inspecte, tourne autour de la lessiveuse, regarde derrière la maisonnette. Louis n'est pas là. Elle s'adresse aux enfants de la ruelle. Ils n'ont pas vu Louis. Ils ne savent pas. Ils ont l'air éberlués, ne comprennent pas ce qui se passe.
- Aidez-moi à trouver Louis.
Mais ils restent immobiles et indifférents. Elle pose Jämes par terre et le traîne. Il sait faire quelques pas quand on le tient par la main. Devant la cordonnerie, elle croise un camarade de Louis.
- Où est Louis ?
Il ne sait pas, il hausse les épaules, ne devine pas l'urgence de la situation.
- Il est peut-être à la forge, on est en train de ferrer un cheval.
Caroline est tout de suite soulagée. Bien sûr Louis, que les métaux fascinent, est allé regarder le forgeron battre l'enclume et le fer incandescent. Elle va le trouver là. Mais Louis n'est pas à la forge, le forgeron ne l'a pas vu. Un affolement brutal fuse dans ses veines. Elle se souvient que Louis a un ami, Oscar, au hameau de Vers chez Jaccard, situé plus bas. C'est là qu'il est probablement. Elle prend Jämes dans les bras et se remet à courir. Très vite pourtant, le souffle lui manque, elle halète, les jambes se dérobent sous elle, elle voit des points noirs partout, des coups de lance lui labourent les côtes.
- S'il te plaît, Jämes, allons vite, il faut trouver Louis.
Mais Jämes ne veut pas, il pleurniche assis au bord de la route. Il veut être porté. Et Caroline le reprend en gémissant de fatigue et de peur. Elle avance encore. Les premières maisons du hameau apparaissent de l'autre côté de la rue. Elle pose de nouveau l'enfant et le tire de toutes ses forces. Le coeur cogne dans la poitrine, elle est hors d'haleine.
Et voilà, c'est comme un miracle, la mère d'Oscar remonte le chemin devant chez elle. Caroline laisse son frère dans le talus et court à sa rencontre.
- Louis, où est Louis ?
- Non, il n'est pas chez nous. Qu'est-ce qui se passe ?
Pêle-mêle, tout en hoquetant d'angoisse, en reniflant, incapable d'arriver au bout des mots, elle raconte confusément. Amélie, le coulage, le feu, Louis. Elle pleure de plus en plus fort, s'essuie le nez du revers de la main. Son visage est chiffonné de douleur, de grosses mèches collent à ses joues. Elle n'en peut plus. Elle va tomber. C'est un cauchemar intolérable. La mère d'Oscar passe un bras autour de la taille de la fillette et l'accompagne.
- Je vais porter ton petit frère, il est trop lourd pour toi. Allons chez vous. Louis est peut-être rentré tout seul.
La brave paysanne porte le petit jusque dans la chambre de Caroline, elle le pose sur l'oreiller à la tête du lit. A l'autre bout, Louis dort. La femme sourit à Caroline et se retire sur la pointe des pieds. Dans la pièce voisine, on entend la voix du médecin.
Caroline, près des deux enfants, reprend lentement son souffle et continue de pleurer doucement. Elle écoute ce qui se passe à côté. Ce sont des voix très graves, entrecoupées de longs silences. Caroline discerne par moments les plaintes de Catherine, elle tend l'oreille. Un mot, même un cri d'Amélie la rempliraient de reconnaissance. Elle écoute en vain, elle se colle à la paroi. Elle veut dire aux hommes de se taire, elle veut entendre le souffle d'Amélie. Mais c'est encore le médecin qui parle. Il prend congé. Caroline se terre dans sa chambre. Elle n'ose pas sortir. Voilà son père qui s'adresse à Catherine, il est sans doute dans le corridor.
- Reste ici, je vais finir la lessive. Dis-moi ce que je peux faire. Je ferme la cordonnerie.
Catherine en hésitant beaucoup, cherchant à retrouver où elle en était restée, perdue, ne sachant plus, bredouillant, donne à Philippe quelques lambeaux de conseils.
- Ne t'inquiète pas, lui dit-il pour la rassurer, je me débrouille.
Il sort et la maison tombe dans le silence. Caroline, le coeur navré, les cheveux en désordre, les mains mouillées de larmes, s'essuie à son tablier et se lève pour aller mettre la table.
Le lendemain, au sortir de l'école, Caroline ne se dépêchait pas, contrairement à ses habitudes. Elle avait attendu Louis devant la classe des petits et lui avait dit de s'habiller, sans le brusquer, comme elle le faisait depuis quelque temps. Maintenant elle le laissait flâner dans la rue Centrale, bavarder avec les autres garçons, jouer devant la fontaine. Lui, parfois, jetait un regard inquiet à sa soeur, surpris de cette patience inattendue. Puis il reprenait ses jeux.
[ . . . ]
Caroline les avait suivis des yeux. Elle s'aperçut que Louis avait continué de marcher et se hâta. Elle le vit descendre la rue du Jura en se laissant glisser, un bras tendu, l'autre tenant son bonnet pour l'empêcher de tomber. Elle le rejoignit et ils entrèrent ensemble dans la maison. Elle était absolument silencieuse, rien ne laissait présager qu'on allait passer à table. Caroline aida son frère à enlever son mantelet, lui ordonna en chuchotant de se déchausser, le prit par la main et ils pénétrèrent ensemble dans la chambre des parents, sur la pointe des pieds.
Ce qu'elle redoutait confusément était arrivé. Elle le comprit tout de suite. La petite soeur reposait sur le grand lit, les mains croisées sur la poitrine. Philippe et Catherine étaient assis à son chevet, les trois garçons étaient debouts devant le lit. Charles tordait sa casquette, Adophe passait d'un pied sur l'autre, gêné ou impatient, on ne savait pas.
Caroline et Louis avancèrent à petit pas, se tinrent immobiles et silencieux très longtemps. On aurait aimé entendre un bruit, un mot, ou le miaulement d'un chat, un cri dans la rue ou un sifflement, n'importe quel bruit qui viendrait déchirer ce silence insupportable. Soudain Louis se mit à pleurer, Catherine tendit la main dans sa direction pour l'attirer à elle. Philippe se leva et quitta la pièce sans un mot. Les trois frères le suivirent, Catherine et Louis sortirent à leur tour. En passant près de Caroline, elle effleura la tête de sa fille et lui dit doucement :
- Viens.
Mais Caroline ne bougea pas. Elle allait être punie. Elle le savait.
C'était inévitable, elle serait punie. Dans les heures qui suivirent, quand elle était seule un moment avec sa mère, elle se préparait à un interrogatoire. Des questions allaient surgir, suivies de réprimandes acerbes et taraudantes. Ou bien les parents la feraient comparaître devant leur tribunal. Mais rien ne vint. Elle pensa qu'ils méditaient un châtiment si terrible qu'il leur fallait du temps pour y réfléchir. Cependant les jours passaient et personne ne reparlait du drame. Un gêne sournoise s'empara d'elle. Ce silence lui pesait. Un équilibre était rompu. Elle savait bien que la mort d'Amélie était irréparable ; il lui semblait pourtant que quelque chose devait être entrepris pour satisfaire à la justice.
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Aussi ceux du quartier de la Charmille étaient-il tous aux fenêtres ou sur le pas de leur porte, lorsqu’à la fin de juin le cordonnier descendit le chemin en direction de la voie ferrée. Il était beaucoup trop tôt. Il le savait, mais préférait attendre à la gare. Il entendrait de temps en temps, le sifflet de la locomotive, peut-être même apercevrait-il une volute de fumée s’effilocher au-dessus des sapins.
Philippe faisait les cents pas sur le quai quand le train surgit de la plaine et s’arrêta en grinçant. Des hommes et femmes sortirent par les portières. Certaines portaient des robes longues et de larges chapeaux ornés, d’autres plus modestes cachaient leurs cheveux sous un fichu. Philippe regardait à droite, à gauche, montait sur la pointe des pieds, mais aucun enfant seul ne traînait en hésitant parmi les voyageurs.
A la fin pourtant un garçon se montra dans une portière ouverte. Il resta un moment debout, au sommet des marches, puis prenant son élan, il atterrit pieds joints sur le quai. Il portait de grosses chaussures de montagne et des chaussettes tricotées à la main qui tirebouchonnaient sur les chevilles. Il avait un pantalon court, et une chemise de flanelle grise. Sa tête était rasée, Bertha sans doute faisait l’économie du coiffeur, mais il avait un bon visage rond de petit paysan, ce grand front bombé qui caractérise tous les Zimmermann et qu’il avait hérité de son grand-père. Philippe observait l’enfant, mais lui ne cherchait personne. Il tenait à la main un baluchon qu’il abandonna sur le quai, soudain attiré par quelque chose que Philippe ne voyait pas. Le petit se mit à avancer et, s’accroupissant progressivement, arriva à genoux devant la barrière qui séparait la place de la gare du quai, puis il tendit la main à travers les barreaux en disant :
– Viens, viens mon beau chat, viens mon chat.
Philippe compris alors ce qui avait retenu l’attention de Marc. C’était un chat noir, son chat même, un énorme chat que la vieille Catherine nourrissait beaucoup trop. L’enfant répéta :
– Viens, viens.
Et le chat, passant au travers de la barrière, là où il manquait un barreau, sauta lourdement sur les genoux de Marc qui tombant à la renverse, se retint d’une main, tandis que de l’autre il se mettait à caresser le chat. Celui-ci était si gros que ses moustaches chatouillaient le visage de l’enfant. Il secouait la tête en riant quand l’animal soudain le quitta d’un bond et disparut.
Le garçon se releva, et, revenant à la réalité, se mit à chercher son baluchon. Le quai était maintenant tout à fait vide. L’homme et l’enfant étaient seuls. Marc aperçut son grand-père, alors, un peu confus de l’avoir ignoré. Il s’approcha la main tendue. Il s’attendait à être grondé, mais continuait à avancer bravement.
– Tu as vu ce chat, se contenta de dire le vieux, tu le retrouveras, il est à nous, il m’a suivi, je ne sais pas pourquoi.
– Mais il est trop gros, beaucoup trop gros, fit l’enfant en riant.
Il regardait son grand-père, la tête renversées en arrière et il y avait dans son rire à la fois tant de bonté et de joie que le vieillard fut conquis immédiatement.
Ils montèrent en direction de la Charmille en se donnant la main, le vieil homme appuyé sur son bâton et l’enfant traînant son sac.
C’est ainsi qu’ils apparurent dans le quartier. Philippe saluait les gens en souriant tandis que l’enfant l’imitait, hochant la tête comme lui, la tournant à droite comme lui, à gauche en même temps que lui.
Quand ils furent entrés dans la maison, les voisins se dirent que chez le cordonnier les choses allaient changer. Ils se parlaient encore quand la femme du voiturier poussa ses voisines du code. Un bras malhabile et trop court sans doute cherchait à ouvrir les volets du rez-de-chaussée. Puis on vit l’enfant sortir, accrocher soigneusement un volet après l’autre. Il fit ainsi le tour de la maison, revint sur ses pas, passa sous le pommier, leva les yeux, inspecta l’arbre d’un air connaisseur, puis voyant qu’on l’observait, fit un petit signe de la main et rentra, d’un pas assuré, comme un qui se sent chez lui.
Philippe s’était assis, curieux de faire la connaissance du garçon qui, debout, à côté de l’aïeule, lui parlait d’un ton protecteur.
– Tu sais, il faut pas cacher le soleil, même si tu le vois pas, lui te voit.
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