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Citation de Cannetille


En l’absence de maternité, et n’ayant pas les moyens de se payer les services d’une sage-femme, les mères se tournaient vers les matrones. Sans respect des mesures d’hygiène les plus élémentaires, ces accouchements se révélaient souvent problématiques. Des complications en veux-tu, en voilà. Des mort-nés, il y en avait toutes les semaines. Toujours la même rengaine. À la longue, on évitait d’en parler, on mettait toute cette catastrophe sur le compte du Tout-Puissant. C’était écrit, Mektoub, se lamentaient les Torodonais, vaincus par un fatalisme héréditaire.
Les enfants qui, par chance, échappaient à cette tragédie étaient déscolarisés. Ils traînaient à longueur de journée, chassant le margouillat ou tapant dans des ballons en chiffon pour tromper l’ennui.
Les quelques rares personnes qui avaient eu la chance de pousser un peu leurs études se retrouvaient à quai, parce que n’appartenant pas à la bonne ethnie, comme Bourma. Un feu rouge invisible les empêchait d’avancer. Dans ces conditions, toute velléité de dégotter un boulot était vouée à l’échec. L’ascenseur social, dont le gouvernement s’enorgueillissait, n’avait jamais existé. Du coup, relégués en bout de cordée, les habitants de Torodona n’avaient jamais pu faire partie de la haute. Sans quoi, ils auraient eu une voix pour défendre leur cause, et tout cela ne serait sans doute jamais arrivé.
Voir le jour à Torodona, c’est être marqué, dès la naissance, du sceau de l’infamie. Par atavisme ineffable, les gens de Torodona tiraient le diable par la queue depuis des temps immémoriaux. Nul doute que sans piston, ils n’avaient aucune chance de se sortir de cette galère.
En attendant désespérément qu’un jour un habitant de Torodona fasse partie de la notabilité dirigeante, on subissait cette iniquité inadmissible. On naviguait tels des fantômes dans les rues obscures. Des vieillards à la vue déclinante crapahutaient entre les nids-de-poule, ils finissaient par chuter, se cassant la hanche ou, plus grave encore, le col du fémur. Les plus chanceux se retrouvaient handicapés à vie, les autres passaient de vie à trépas sans aucun soin approprié. La couverture maladie universelle, promise par le ministre de la Santé depuis Mathusalem, était une gageure sans lendemain.
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