« A vingt ans, on devrait rencontrer l'idée de sa vie, à trente la femme de sa vie, à quarante sa propre vérité. A cinquante, on devrait avoir apaisé sa soif de succès, à soixante créer une œuvre plus grande que son créateur même. Et à soixante-dix, on devrait faire preuve de modestie à l'égard du moindre de ses frères et d'arrogance à l'égard du ciel. Mais on ne reconnaît les saisons de la vie que lorsqu'elles sont passées depuis longtemps. »
Le tyran fait appel à des millions de petits tyrans empêchés, qui ont les mêmes désirs et les mêmes souhaits que lui-même. (...) Chaque tyrannie s'est vantée d'inaugurer une époque absolument nouvelle. Et toutes les tyrannies se sont achevées comme un simple épisode, émaillé d'oppression sanglante et de bouffonnerie.
Des militants, avant de se suicider, laissent une lettre dans la quelle ils dénoncent l'imposture de la politique stalinienne et du soutien à l'URSS : « Ils se demandèrent s'ils devaient publier cette lettre. Les partis communistes du monde entier menaient une politique de résistance énergique aux nazis, ils étaient les premiers et les plus vigoureux protagonistes de la lutte contre toute capitulation. La Russie de Staline adoptait la même position. Les amis décidèrent donc de ne pas publier la lettre. Ils attaquèrent bien le Parti sur la 'ligne intérieure', mais gardèrent le silence sur la Russie. L'argument le plus fort contre l'Allemagne nazie s'affaiblirait si l'on divulguait l'existence des camps russes d'où Petrovitch s'était évadé. Son message devait rester secret. »
On a consacré une littérature diverse et pléthorique à l'être humain sexuellement insatisfait. Il est certain qu'il constitue un problème. Mais que représente ce problème face à une autre insatisfaction, massive celle-là : l'insatisfaction des hommes dans leur légitime aspiration à la reconnaissance et à l'autorité sociale ? Qui s'étonnerait si cette insatisfaction avait des conséquences fort coûteuses pour l'humanité ?
" - La plupart des gens n'arrivent jamais à l'intelligence politique parce qu'ils comprennent les événements vécus lorsqu'ils sont devenus du passé, et pas avant. Ils ne saisissent qu'à la seconde édition ce qu'ils ont si facilement oublié après la première. Le temps approche où la faveur du second avertissement ne sera plus accordée qu'à de sacrés veinards. »
« … Au point où en sont les choses, la publication de ces écrits constituerait essentiellement une attaque contre la Russie soviétique, et cela justement parce que notre jeune auteur – qui a raison subjectivement – s'y livre à une critique révolutionnaire du pouvoir.
Vous écoutez-vous parler, Faber ? Remarquez-vous la faiblesse de tout ce que vous dîtes ? C'est ainsi qu'en tout temps parlent les censeurs qui n'ont pas la conscience tranquille. Si la cause dont vous vous faîtes le champion réclame des ménagements, quelle valeur a-t-elle ? Ses fondements doivent être bien fragiles ! Lors de notre dernière visite, vous m'avez parlé d'une vérité partisane. Vous m'avez dit que la caractéristique de votre parti était de n'avoir aucune vérité à craindre. Toute vérité le sert, avez-vous affirmé, à condition qu'elle soit suffisamment mûre. Est-ce toujours exact, Faber ? »
Les perspectives d'une tête confrontée à un poing n'ont jamais été bien brillantes.
« Les grands font le mal parce qu'ils le veulent et les faibles parce qu'on les y force. Il ne reste pas une âme pour faire le bien. »
« – … D'autre part, tu es dangereux. Conviens-en, Vita, en politique, seuls les héros morts sont commodes. Si encore tu étais bête ! Ou tout au moins un de ces démocrates petits-bourgeois. Mais que faire d'un héros intelligent, d'un communiste ennemi déclaré du parti communiste ? Je ne sais. Vita, quel est ton avis, que devons-nous faire de toi ? »
« Comme toujours, ce que l'on dit d'un peuple n'est juste qu'en partie : qu'on en parle positivement ou négativement, c'est toujours caricatural. Au fond, c'est une simple question de nuance. Toutes les épithètes s'appliquent à tous les peuples, qualités et défauts sont différents, mais à peu près également répartis. Ce qui compte, c'est l'importance que leur confère une conjoncture historique donnée. Le moment est peut-être venu où, si l'esprit critique ne l'emporte pas, les hautes qualités des français pourront seulement renforcer l'effet nocif de leurs défauts. »