Citations de Manuel Capouet (19)
Siraj fascinait en effet car Siraj était beau. Il avait la stature d'un mâle dans sa force de caractère , dans ses obstinations et ses ambitions, mais la manière était en courbes et en finesse. Sa générosité, son intuition et ses gestes à la fois lents et efficaces étaient empreints de féminité. Il avait ce regard intelligent, avenant, un peu curieux et teinté d'amusement qui se pose sur les hommes et les choses avec douceur. Siraj était beau comme un Jésus. Il était jeune, trop jeune même, pour être marié et père de deux enfants. L'expérience des responsabilités lui avait donné un esprit pragmatique et patient auquel était assujettie son énergie de jeune immortel. Sa peau ne portait aucune cicatrice et son sourire ne se plissait d'aucun regret. Il était pur et sans tache. (p 191)
J'ai pensé qu'il suffisait de remettre l'amour à plus tard comme un achat. L'objet est toujours neuf quel que soit le jour où on l'achète. Peut-être que si je parvenais à vivre comme si demain était du bonus j'y gagnerais l'éternité et, après tout, c'est tout ce qui compte.
Mais qu'importe! Quand il y a crise, il y a opportunité !
Les Japonais sont comme ça ; ils peuvent nous entretenir de sujets anodins pendant des heures. Comme le dit Selim, ces petites choses sans importance sont autant de nénuphars qui parsèment la surface de l'eau et cachent pudiquement la vase boueuse des vérités froides et nues. Les Japonais sont toujours en train de nous signifier autre choses que ce dont ils nous entretiennent.
Le monde est fait de systèmes qui s'affrontent et se repositionnent comme des plaques techtoniques. Tu dois traquer les failles cachées sous le ciment des civilisations. Tu dois introduire le jeu de la thèse et de l'antithèse dans ton modèle. C'est cet équilibre qui introduit le temps et donne la direction de l'évolution de l'humanité. Retiens ceci : la contradiction est la racine de tout mouvement et de toute manifestation vitale. (Nope, Hegel)
En Occident, la confiance, on s'y résigne seulement quand il n'y a pas moyen de faire autrement. On la concède en maugréant des "si tout le monde faisait comme ça". Ici, on donne sa confiance d'emblée, simplement, parce que la fierté se porte sans mensonge. Quand bien même on la perdrait, ce n'est jamais définitif, car le suicide rend tout au Japon.
Les riches comme les pauvres polluent. Les uns par luxe, les autres par nécessité.
In my culture, you can refuse a bottle of wine, never a piece of bread.
Ce qui n'est pas encore modélisé est nommé liberté. Ce qui est modélisé est nommé rationalité. Ce que l'on nomme évidence est donnée. Ce que l'on nomme choix est équation. Ce que l'on nomme décision est résolution.
C'est le problème des démocraties, continuait Selim. Elles atrophient vos envies et vous préférez qu'on vous raconte le monde à travers de petites histoires le soir avant de vous endormir.
La réalité est moins moche quand elle est amère et absurde. Les plus belles poésies et les rires les plus forts naissent de l'abîme du désespoir.
Tous les enfants du monde préfèrent le miel au navet. Les chansons d'amour racontent toutes les mêmes histoires. Personne ne croit aux promesses mais tout le monde en demande.
Il laissait le temps percoler en lui. Il se sentait à sa place, parfaitement dans son espace et dans le présent. Il en saisissait chacun des infinis instants qui coulaient en lui. On aurait dit qu'il s'était libéré du désir lié à l'attente.
Votre problème à vous les occidentaux, c'est que vous n'osez plus vous plonger dans une vie réelle. Vous préférez vivre à côté.
Travaillez mal, travaillez bien, c'est sans importance au Japon. Avant tout, soyez présent !
Le migrant... Quand il arrive quelque part, qu'est-ce qu'il devient ? (...) , et on ne savait toujours pas si le migrant avait fini par se sentir chez lui quelque part et en paix .
La vie c'est "on" ou "off". On ne glisse pas vers la mort. Un instant, on était, ensuite on n'est plus et on n'a rien vu venir.
C'est juste qu'il y a trop de monde. Trop de monde comme à Tokyo. On est tous trop serrés et on s'intoxique comme des poulets de batterie. Pourtant ça n'arrête pas de pondre. Scylla a raison, ça vit trop.
Tokyo ne ressemble pas aux villes européennes. Nos villes sont profondément humaines, tandis que Tokyo paraît suspendue comme un nid de guêpes monstrueux qui n'a d'autre fin que de croître