Les chiens de Vantiegen poursuivaient leur mise au vert jusqu'à la tombée de la nuit où ils se remettaient à se plaindre. Leurs pitoyables aboiements recommençaient souvent au milieu de la nuit pour déranger son sommeil. Alors, rougissant de colère, il bondissait de son lit dans un monologue violent, s'emparait d'un gourdin et se lançait à leur poursuite. Lilas courait à s'en couper le souffle, décidé à en découdre. Épuisé, il s'arrêtait à mi-course en jurant de régler ses comptes avec eux le lendemain. Mais, le moment venu, il les trouvait plus dociles et se ravisait.
Une impressionnante procession de femmes s'avançait vers sa concession. Les blâmes et admonestations qui étaient dirigés contre lui avaient de quoi le liquéfier. Du confus brouhaha qui s'échappait de cet essaim, une expression revenait plus souvent : "vos chiens". Les choses parlaient d'elles-mêmes. Il comprit qu'il allait être, une fois encore, victime d'une bévue des chiens de Vantiegen. Rien de grave n'arriva ce jour-là, mais Lilas fut très vite la risée de la grande famille de la cité. Il était montré du doigt partout où il allait, pire on se pressait aux volets des maisons pour le voir passer dans la rue. Cette nouvelle situation finit par aiguiser son irascibilité et raviver son désir de vengeance.
Toute une avalanche de questions s'amoncelait dans son cerveau déjà épuisé par la résistance au sommeil et à la fatigue. Tandis qu'une rafale d'air frais balaya sa tête et ses bras nus, il prit conscience qu'une nouvelle vie se déployait devant lui.
Ainsi, chaque jour, c'était la même langueur, la même misère qui rendait accablant le combat pour la survie.