Pardon pour la peine que je vais te cause. Je sais que tu pleureras - et que tu pleureras beaucoup - et je m’en réjouis, dans un sens. J’espère que mon départ n’éteindra pas ton espérance et qu’au contraire, mystérieusement, il la nourrira. Que ta joie soit plus profonde, plus pleine, plus vraie, transformée qu’elle sera par mon Départ. Car il faut que je m’en aille. Quoi de plus terrible que le monde qu’on nous prépare, sans cœur ni pitié, sans conscience ni égard pour les faibles ? Je n’en veux pas. C’est la Puissance qui obnubile ce monde, et cette Domination, je vais l’affronter, ou au moins sa plus formidable représentante, dans un combat que je ne peux pas perdre […].
Je me retournai alors vers ma destination et m’élançai. J’avais pris la décision de Marcher immédiatement, aussi vite que possible. Mon pas devient plus lent, plus long. Mes sens s’aiguisèrent, surtout l’ouïe, et l’air s’emplit de bourdonnements, de parfums, de présences subtiles et insaisissables. J’accélérai. Les bas-côtés se mirent à filer à un rythme infernal, dans un flou uniforme qui se confondit avec celui de toutes mes Questes précédentes. Mes pensées se délitèrent de plus en plus. Sous l’influence de la Marche, seule existe la Route. Elle n’a ni commencement ni fin ; elle n’est que plaisir de l’effort, enivrement des sens.