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Citation de sand-rions


Ahlam
Marc Trévidic


Il avait pourtant avec lui, en permanence, un carnet et un crayon , au cas où le désir reviendrait. En vain. Le désir était resté en France, envolé comme sa maîtresse .Son amour avait disparu, et son désir de créer s'était évanoui devant la nécessité de disparaître

Avec Ben Ali, ce sont les lâches qui mangent. En Tunisie, il vaut mieux être un dromadaire.


- Tu vois, tu as oublié. Ais si tu sais écrire, tu peux l’écrire pour t’en souvenir plus tard. Et si tu sais lire, tu pourras la lire à tes enfants.


Farhat avait poursuivi l'école jusqu'au bac .il l'avait eu sans mention mais l'avait eu quand même .Pourtant il était rester a Kerkennah et ,aujourd'hui , il était pêcheur comme son père
.
L’archipel produisait de bons élèves et, ce faisant, disait adieu à sa jeunesse.

Il avait cru que Farhat, religion oblige, ne buvait pas. Il comprit vite le contraire. Deux camarades sur une felouque et sous un soleil de plomb avaient bien le droit au verre de l’amitié. Allah n’y trouverait rien à redire. Juste une petite réprimande peut-être, sous la forme d’une mauvaise conscience a posteriori.


- Ta femme sait que tu bois en cachette, Farhat ?
- Bien sûr que non, sinon ça ne s’appellerait pas « boire en cachette ».

Mais, si on ne fait rien, ils vont la laisser mourir ! C’est aussi transparent que l’eau de Kerkennah. Réveille-toi, Farhat ! Vous appelez les touristes anglais des moutons, mais qui sont les moutons dans ce pays ? Si un petit cousin de Ben Ali au sixième degré s’était présenté dans cet hôpital, le directeur lui aurait lavé les pieds. Regarde, j’ai prononcé la formule magique et maintenant….


Ne dites rien de plus. Vous êtes un con. Vous avez des années d’études à la place du cœur.

- … Je ne suis pas triste. Je suis jeune. J’ai le temps. J’ai été fou amoureux. J’ai été fou malheureux. Je cherche le juste milieu.
- Le juste milieu, ce n'est pas un endroit pour toi. Je vois la flamme en toi, parfois la colère, parfois l'amour...Au milieu rien.


Disons que je suis un peintre qui aime jouer de la musique. Ce n'est pas compatible. Mon père était d'origine italienne et musicien professionnel. Ma mère était artiste peintre.Ça a plutôt collé entre eux.
(…)
souvent, ma mere peignait quand mon père jouait du piano. Peut-être se mettait-elle à peindre parce que mon père était en train de jouer? Ou était-ce l’inverse? Mon père se mettait à jouer quand il voyait ma mere peindre. Ils dégageaient une grâce indéfinissable. Je n’ai jamais rien vu de plus beau que mes parents ensemble, l’un au chevalet, l’autre au piano.


… il voulait peindre. Il en rêvait. Il voulait apprendre à dessiner, mélanger les couleurs, reproduire ce qu’il voyait, et ce qu’il ne voyait pas mais ressentait.


Il devait faire attention, Paul était un Français. Ce qui signifiait : Paul est un chrétien. Farhat s’en moquait. Paul était bon. Il faisait du bien aux enfants. Il apportait de la beauté dans leur existence et de l’espoir pour leur avenir.


Il avait, depuis presque deux ans, épousé le mouvement lent d’un univers protégé des fureurs du monde. (…) Jamais Paul n’avait imaginé que, sur cette île, des hommes puissent se réjouir de la mort d’autres hommes à six mille kilomètres de là.
Paul était un artiste. Il ne vivait que pour son art. Il ne recherchait que le sens et la beauté. Le monde ne l’intéressait pas. Depuis qu’il était à Kerkennah, il ne lisait plus les journaux, ne regardait jamais la télévision, n’écoutait pas la radio.


… mais il était tunisien et c’était le mariage ou rien. Paul, c’était l’inverse, le sexe sans le mariage. Il faisait l’amour comme il peignait. Quand le tableau était fini, il remettait une toile sur le chevalet et partait pour une nouvelle aventure.


La musique est l’art de combiner les sons et les silences ; la peinture est l’art de combiner les couleurs et le blanc. Ce n’est pas un hasard si un blanc est un silence en musique et une absence de couleur en peinture. Dans la musique, le silence donne de la couleur aux notes. En peinture, le blanc donne de l’importance aux couleurs. Et enfin, très important : l’intensité d’un son peut se comparer à l’intensité d’une couleur ou d’une lumière.


Certes, c’était un salafiste qui voulait vivre comme au temps du Prophète et des ses premiers compagnons. Il pensait que l’Occident était pourri, qu’Israël devait être détruite, que les femmes, tentaion du diable, devaient être intégralement voilées, qu’on devait les lapider si elles commettaient l’adultère, qu’il était permis de prendre les biens des mécréants en butin, que les voleurs devaient avoir la main tranchée. Et alors ? Tout cela était le message d’Allah transmis par le Prophète. Ceux qui n’écoutaient pas brûleraient en enfer. Saber avait le cœur plein de haine et de certitude. L’une confortait l’autre et inversement. Il n’y avait que du tourment, jamais d’accalmie. Seul le sang pouvait purifier, seul le sang pouvait calmer. C’est tout ce qu’il réclamait, tout ce qu’il désirait : le sang.

Saber ne connaissait pas Al Qaida. Il n’avait aucun contact. Mais, en prison, il avait noué des relations. La prison lui avait ouvert des portes.

Saber ne donna pas de nouvelles, ni à sa mère ni même à Nourdine. Il était totalement dans le jihad. Il ne tua pas un seul Américain. Les Américains ne sortaient plus. La seule occupation de son groupe était de tuer les chiites. Et lui, Saber, goûtait enfin au sang des infidèles. Pas celui qu’il avait pensé boire, mais c’était bon tout de même. Les chiites, finalement, c’était encore meilleur. Il fallait les tuer tous. Après, on s’occuperait des autres. Seule une Oumma (la communauté des croyants) purifiée pouvait vaincre l’Occident. D’abord les chiites, puis les régimes apostats. Et après ce serait la révolution du véritable islam. L’Amérique et l’Occident mettraient le genou à terre et demanderaient grâce. (…) Avant, il fallait purifier, purifier, purifier par le sang. Se tenir prêt pour l’ultime combat et la fin du monde.

Et, les intellectuelles, ça réfléchit trop, ça discute politique, ça veut changer le monde. Nora détestait le régime Ben Ali, Fatima déteste le régime Ben Ali. Tout le monde déteste le régime Ben Ali. Moi, je m’en moque. Je suis pêcheur à Kerkennah. Personne ne m’a jamais interdit de pêcher à Kerkennah. Rien de ce qui est beau n’appartient à Ben Ali. Lui, il a seulement le pouvoir et l’argent. Mais la beauté de Kerkennah, le soleil, la mer, le vent, il nous les laisse. Il ne peut pas nous les voler. Et c’est tout ce que je demande.

Nourdine citait toutes les deux phrases un verset du Coran ou un hadith. Il en connaissait une vingtaine par cœur. Il ressortait toujours les mêmes. Au début, Issam avait été exaspéré par cette répétition monocorde, ce discours attendu, ces vérités puisées dans les textes mais jamais dans la réflexion personnelle. Il n’avait pas été élevé de cette façon, à chercher des réponses ailleurs que dans son cœur et sa raison. Cependant, cette musique qui répétait sans cesse les mêmes notes, ancrée dans la culture musulmane, hypnotisante et entêtante, était entrée en lui, avait fait tomber ses défenses. Pas toutes – il en restait, profondément enfouies, qui remontaient subitement à la surface comme des éruptions de raison.


Parce que là, avec le Français, c’est toi qui décides ? T’es un pion. En France, le shaytan (diable) va t’avoir. Petit à petit, il va te manger l’âme. Tu me fais pitié, va.


- Ce n’est pas moi qui refuse toutes les propositions, c’est Ahlam.
- Et c’est tant mieux. Ahlam a seize ans. Elle a bien le temps. Tu imagines ce joyau marié à un jeune coq de Kerkennah qui s’empressera de la couvrir des pieds à la tête… Pas de bijoux mais d’un tissu épais… pour être le seul à en profiter. Ta princesse dépérirait. Sa lumière s’éteindrait peu à peu. Ce n’est pas son avenir. Ce n’est pas ce qu’aurait voulu Nora.
- Nora, elle m’a bien épousé, moi, un simple pêcheur.
- Non, pas un simple pêcheur mais mon fils, un garçon éduqué, intelligent, sensible, un père attentionné qui cherche le bonheur de ses enfants. C’est ce garçon-là que Nora a épousé. Alors reste ce garçon-là. Quant à Ahlam, il faut qu’elle parte. Elle aura une vie exaltante, des amoureux. Pas un, vois-tu, mais plusieurs. Oh, je vois ta mine, l’idée même que ta fille ait des amoureux te chagrine. Mais ta fille est faite pour la musique, le succès et l’amour.

- Non, mais j’ai du mal à accepter que ce qui est beau puisse être mauvais.
- Parce que tu confonds le beau et le bien. Le bien est ce que nous enseigne Allah. Le beau est souvent un subterfuge du shaytan. ….

Quand l’horizon est trop lointain, on ne pense pas pouvoir l’atteindre, d’autant qu’il s’éloigne quand on s’en approche. Ces derniers jours, l’horizon avait été si proche qu’il aurait été possible de le toucher. Le rêve devenait réalité. C’est à cet instant précis que les rêves s’évaporent, au moment du réveil.

- As-tu pensé à Ahlam ?
Issam répondit brusquement, sans réfléchir :
- Oui, j’ai pensé à elle. Justement, ce n’est pas bien pour elle de continuer la musique. Ce n’est pas un métier pour une musulmane.
- Feuuuuh !
Fatima émit un sifflement.
- Tu peux nous répéter ça ?
- Parfaitement, une musulmane a d’autres choses à faire que de perdre son temps à jouer de la musique.
- Et tu proposes quoi pour ta sœur ? demanda Fatima, au bord de l’implosion.
- Elle devrait épouser un bon musulman, faire des enfants et respecter…
- Respecter qui, Issam ?
- Respecter les préceptes de notre religion.


Il faudrait qu’elle explique. A cette pensée, la honte et la peur l’envahirent. C’était un curieux mélange de sentiments. Pourquoi avait-elle peur ? Pourquoi avait-elle honte ? Il lui semblait que, si elle racontait ce qui s’était passé, il n’y aurait plus jamais de retour en arrière. Son enfance serait effacée, Nora serait morte pour de bon et la famille serait pulvérisée.


Et puis, comme un aimant, il s’é
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