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Citation de Cielvariable


GASTON — T'as accusé ta mère, maintenant je veux que tu m'accuses.
PIERRE — Tu ne devrais pas attacher d'importance à ses paroles.
GASTON, qui, pour la première fois, se fâche — Ferme-toi, Florence veut me parler, je veux qu'on la laisse me parler.
FLORENCE — Regarde papa, regarde tout ce qu'il y a autour de nous. Regarde les meubles, les murs, la maison : c'est laid, c'est vieux, c'est une maison d'ennui. Ça fait trente ans que tu vis dans les mêmes chambres, dans la même cuisine, dans le même « living-room ». Trente ans que tu payes le loyer mois après mois. T'as pas réussi à être propriétaire de ta propre maison en trente ans. T'es toujours resté ce que tu étais : un p'tit employé de Compagnie qui reçoit une augmentation de salaire tous les cinq ans. T'as rien donné à ta femme, t'as rien donné à tes enfants que le strict nécessaire. Jamais de plaisirs, jamais de joies en dehors de la vie de chaque jour. Seulement Pierre qui a eu la chance de s'instruire : c'est lui qui le méritait le moins. Les autres, après la p'tite école, c'était le travail ; la même vie que t'as eue qui les attendait. Ils se sont mariés à des filles de rien pour s'installer dans des maisons comme la nôtre, grises, pauvres, des maisons d'ennui. Et pour moi aussi, ce sera la même chose si je me laisse faire. Mais je ne veux pas me laisser faire, tu comprends papa ! La vie que t'as donnée à maman ne me dit rien, je n'en veux pas ! Je veux mieux que ça, je veux plus que ça. Je ne veux pas d'un homme qui se laissera bafouer toute sa vie, qui ne fera jamais de progrès, sous prétexte qu'il est honnête ; ça ne vaut pas la peine d'être honnête si c'est tout ce qu'on en tire ...
ANTOINETTE — Tu vas trop loin, Florence !
FLORENCE — Je préfère mourir plutôt que de vivre en esclavage toute ma vie.
ANTOINETTE — Tu ne sais plus ce que tu dis. Tu ne sais plus ce que tu dis parce que tu ne connais rien de la vie. Mais moi je vais t'apprendre ce que c'est. Pour avoir parlé de ton père comme tu viens de le faire, faut pas que tu l'aimes beaucoup, faut pas que tu le connaisses. Je vais te dire ce qu'il est ton père, moi !
GASTON — Je ne te demande pas de me défendre, ma vieille. Ce que Florence a dit de moi est vrai.
ANTOINETTE — C'est peut-être vrai dans un sens, mais ça ne l'est pas dans l'autre... Ton père, Florence, est d'une génération qui va s'éteindre avec lui... Pas un jeune d’aujourd’hui pourrait endurer ce qu'il a enduré. A vingt ans, c'était un homme qui avait déjà pris tous les risques qu'un homme peut prendre. Avoir une situation stable, sais-tu ce que ça représentait alors ? T'en doutes-tu ? Ça représentait le repos, la tranquillité, le droit de s'installer et de vivre en paix. Ton père, Florence... c'est pas un grand homme. Jamais été riche mais toujours resté honnête. Trois fois au cours des années il aurait pu gagner beaucoup d'argent à travailler pour un député rouge. Deux fois pour un député bleu. Il l'aurait achetée sa maison s'il l'avait voulu, mais il a refusé… Tu peux lui en vouloir pour ça, tu peux encore lui faire des reproches?... Parle! Réponds! (Accablée, Florence penche la tête incapable de répondre.)
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