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Citation de GabySensei


Trois décennies plus tard, quelque part dans les confins de la jungle amazonienne, un vieil amérindien clairvoyant et désabusé lui dira en substance ceci : Votre peuple ( et là-dedans il comprendra l'ensemble de l'humanité hors de quelques tribus voisines de la sienne), votre peuple n'est constitué que de valets et de maîtres, d'une grande quantité de valets et d'une petite poignée de maîtres, d'une infinité de valets, insistera-t-il, pour un unique maître au final, chaque valet aspirant de tout son cœur et de toute son âme à passer maître à son tour, mais chaque maître étant en réalité le valet d'un autre maître encore plus important que lui, et cela valant aussi pour vos dieux qui servent à n'en pas douter les desseins d'une puissance qui leur est bien supérieure, et non point bonne et charitable celle-ci, mais malveillante, maléfique, il n'y a qu'à ouvrir les yeux pour s'en convaincre, il n'y a qu'à voir ce qu'on vous impose, ce que vous endurez, ce que vous acceptez, il n'y a qu'à vous regarder agir et vous regarder vivre, ça crève les yeux, vos dieux sont des valets comme les autres, ni plus ni moins, si bien que si l'on fait le compte il ne reste que des milliers, des millions de valets pour ce seul maître, le maître suprême, vraisemblablement cruel, vraisemblablement dément, et si tant est encore que l'on ne considère pas ce maître comme étant lui-même soumis à sa propre cruauté, subordonné à sa folie, c'est-à-dire qu'il soit en somme son propre valet. Mais comment s'en affranchir ? demandera le vieil Amérindien. Comment votre peuple, le tien, dira-t-il au garçon, pourrait-il recouvrer sa liberté ? Tuer le maître ne fera pas de vous des hommes libres. Éliminer le maître ne permettra pas d'éliminer les valets que vous êtes. Pourquoi ? Parce qu'un autre aussitôt prendra sa place, et un autre après lui, et encore un autre. Sans fin. Le cycle se poursuivra et la cohorte des valets se perpétuera. Parce que ce qui fait un valet ce n'est pas son maître, ce qui fait un valet c'est son désir de devenir maître. Cela et rien d'autre. Tuer le maître ne serait donc d'aucune utilité, ce qu'il faut c'est tuer, c'est éradiquer le désir de l'être. Cette ambition-là, cette envie, ce besoin, il faut s'en délivrer. C'est l'unique solution. Mais il ne me paraît pas, conclura-t-il, que votre peuple soit près d'y parvenir, ni même qu'il soit prêt de le souhaiter.

(P78-79)
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