Seulette suis
Seulette suis et seulette veux être,
Seulette m'a mon doux ami laissée,
Seulette suis sans compagnon ni maître,
Seulette suis dolente et courroucée,
Seulette suis langueur malaisée,
Seulette suis plus que nul égarée,
Seulette suis sans ami demeurée.
Seulette suis à porte ou à fenêtre,
Seulette suis en un angle mussée,
Seulette suis pour moi de pleurs repaître,
Seulette suis dolente ou apaisée,
Seulette suis et rien tant ne m'agrée,
Seulette suis sans amis demeurée
Seulette suis en ma chambre enserrée,
Seulette suis, sans ami demeurée.
Seulette suis partout et en tout être,
Seulette suis marchant ou arrêtée,
Seulette suis plus qu'autre rien terrestre,
Seulette suis de chacun délaissée,
Seulette suis durement abaissée,
Seulette suis souvent toute éplorée,
Seulette suis sans ami demeurée.
Prince, voici ma douleur commencée:
Seulette suis, de tout deuil menacée,
Seulette suis, plus teinte que morée,
Seulette suis, sans ami demeurée.
La fille qui n'a point d'ami
A qui dira-t-elle sa peine,
La fille qui n'a point d'ami?
La fille qui n'a point d'ami,
Comment vit elle?
Elle ne dort jour ni demi.
Mais toujours veille.
Ce fait amour qui la réveille
Et qui la garde de dormir.
A qui dit-elle sa pensée,
La fille qui n'a point d'ami?
Il y en a bien qui en ont deux,
Deux, trois ou quatre,
Mais je n'en ai pas un tout seul
Pour moi ébattre.
Hélas! mon joli temps se passe,
Mon téton commence à mollir.
A qui dit-elle sa pensée,
La fille qui n'a point d'ami?
Je ne sais comment je dure
Je ne sais comment je dure,
Car mon dolent cœur fond d’ire
Et plaindre n’ose, ni dire
Ma doleureuse aventure,
Ma dolente vie obscure.
Rien, hors la mort ne désire ;
Je ne sais comment je dure.
Et me faut, par couverture,
Chanter que mon cœur soupire
Et faire semblant de rire ;
Mais Dieu sait ce que j’endure.
Je ne sais comment je dure.
Hé Lune! trop luis longuement
Hé lune! trop luis longuement,
Par toy pers les biens doulcereux
Qu'Amours donne aux vrais amoureux.
Ta clarté nuit trop durement
A mon cuer qui est désireux,
Hé lune! trop luis longuement.
Car tu fais le decevrement
De moy et du doulz savoureux;
Nous ne t'en savons gré tousz deux,
Hé lune! trop luis longuement.
Apprenez-moi, doux ami…
Apprenez-moi, doux ami,
S’il est vrai ce que j’ois dire,
Que d’ici la Saint Remy
Devait aller en l’Empire,
En Allemagne bien loin
Demeurer, comme j’entends,
Quatre mois ou trois du moins ?
Hélas ! que j’aurai mautemps !
Ne pourrait jour ni demi
Sans vous voir rien me suffire
Et quand vous serez de mi
Eloigné, quel dur martyre !
De mourir me fut besoin
Mieux que le mal que j’attends ;
Ronger me faudra mon frein.
Hélas ! que j’aurai mautemps !
Mon cour partira par mi
Au dire adieu, j’en soupire
Souvent et de deuil frémis,
Car je fondrai comme cire
Des soucis et des grands soins
Que pour vous aurai partant.
Si je vous perds de tous points,
Hélas ! que j’aurai mautemps !