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Citation de Tandarica


Mariana Marin
Thérapie à l'époque de la peste brune

Si elle partait parfois hors de la ville
c'est parce que sa vie
devenait une chambre quittée à la hâte
et qu'on retrouve plus tard
saccagée par le loup-garou des souvenirs nains.
Aux endroits où il est arrivé de s'arrêter,
à des carrefours,
elle se rompait comme du pain chaud
et se dépouillait de sa peau de serpent.
Enrégimentées, les noirceurs amassées
depuis quelque temps
roulaient dans la poussière du chemin
et elle regardait étonnée son corps neuf.
Elle en jouissait comme la nuit où
(tâtonnant dans l'obscurité des années)
une petite étoile jaune avait éclairé pour elle
les lettres d'une langue
qu'elle savait désormais reconnaître.
Si elle partait parfois
c'était parce que les mondes s'écoulaient
beaucoup trop vite
dans son sommeil tourmenté ;
et de la sorte,
ce qui le matin semblait être
une idée aux articulations cohérentes et fines,
se retrouvait la nuit en ordure obstinément balayée
et cachée derrière la porte.
– Tel est le sort de toute utopie,
disparaître un jour dans sa propre ordure,
être oubliée et cachée
comme une maladie honteuse ;
mourir dans son propre orgueil
aux articulations de biche,
cohérentes et fines
– ainsi venaient la rassurer
les barbes des sages.
Mais alors elle claquait les portes avec plus de hâte encore,
laissait la ville derrière elle
et détournait encore plus sa face
de tous les visages humains ;
elle se postait (par exemple) aux carrefours,
les cheveux en flammes,
brisée menu par l'impuissance gargouillante
qui jaillissait de sa gorge,
par la folie
qui lui demandait d'être une biche,
rien qu'une biche,
aux articulations cohérentes et fines.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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