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5/5 (sur 1 notes)

Nationalité : Roumanie
Né(e) à : Bucarest , le 10/02/1956
Mort(e) à : Bucarest , le 31/03/2003
Biographie :

Mariana Marin était une poète roumaine. Un des poètes les plus doués et intransigeants de la génération des années 80, Adam J. Sorkin la décrit comme "une voix distinctive révélée par la nuit noire de l'âme de l'humanité".

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Bibliographie de Mariana Marin   (2)Voir plus

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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Mariana Marin
Depuis des jours, seule dans la maison.
Je pense aux miens puis me pétrifie de nouveau.
L’hiver n’en finit plus. La tempête fait rage.
Hier on disait à la radio qu’ils arrivaient.
Mais beaucoup d’entre nous n’en sauront rien.
Ce soir la lumière s’éteindra de nouveau. Le camouflage des fenêtres.
J’ai froid. J’ai peur. Je suis paralysée.
À bout de forces. J’ai l’impression d’être devenue folle.
Comme tous nous attendions tant l’été. Que d’espérances.
Mais quel été peut-il encore y avoir par ici ?
Même si cela arrivait
cela ne servirait plus à rien.
Ce serait trop tard pour nous.
Nous avons vieilli.
C’est fini. Où est la génération
qui me raconte
que je confonds l’éthique et l’esthétique ?

(poème intitulé «  A[nne]. F[rank]. parle » et cité par Norman Manea dans « La cinquième impossibilité », p.91-92)
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Mariana Marin
Thérapie à l'époque de la peste brune

Si elle partait parfois hors de la ville
c'est parce que sa vie
devenait une chambre quittée à la hâte
et qu'on retrouve plus tard
saccagée par le loup-garou des souvenirs nains.
Aux endroits où il est arrivé de s'arrêter,
à des carrefours,
elle se rompait comme du pain chaud
et se dépouillait de sa peau de serpent.
Enrégimentées, les noirceurs amassées
depuis quelque temps
roulaient dans la poussière du chemin
et elle regardait étonnée son corps neuf.
Elle en jouissait comme la nuit où
(tâtonnant dans l'obscurité des années)
une petite étoile jaune avait éclairé pour elle
les lettres d'une langue
qu'elle savait désormais reconnaître.
Si elle partait parfois
c'était parce que les mondes s'écoulaient
beaucoup trop vite
dans son sommeil tourmenté ;
et de la sorte,
ce qui le matin semblait être
une idée aux articulations cohérentes et fines,
se retrouvait la nuit en ordure obstinément balayée
et cachée derrière la porte.
– Tel est le sort de toute utopie,
disparaître un jour dans sa propre ordure,
être oubliée et cachée
comme une maladie honteuse ;
mourir dans son propre orgueil
aux articulations de biche,
cohérentes et fines
– ainsi venaient la rassurer
les barbes des sages.
Mais alors elle claquait les portes avec plus de hâte encore,
laissait la ville derrière elle
et détournait encore plus sa face
de tous les visages humains ;
elle se postait (par exemple) aux carrefours,
les cheveux en flammes,
brisée menu par l'impuissance gargouillante
qui jaillissait de sa gorge,
par la folie
qui lui demandait d'être une biche,
rien qu'une biche,
aux articulations cohérentes et fines.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Mariana Marin
Élégie

Seigneur,
si je pouvais me reposer dans un sanatorium de montagne,
entourée de comprimés roses et bleus,
un sanatorium sentant fort le sapin, avec des tapis doux
et des bonnes femmes coquettes et névrosées
par des conflits plaisants, mineurs et conjugaux.
Si j'avais moi aussi un trauma tel la rougeole,
un frémissement de pluie d'été,
une névrose en soie,
après laquelle on t'aime davantage :
une névrose comme les effluves de camomille,
après laquelle tu te sens encore plus embrouillée,
aérienne,
après laquelle le flux de ta féminité prend à l'assaut le monde,
le fait guérir, le rend frissonnant tel un trésor secret.
Si je pouvais me reposer dans un scénario quelconque de la vie,
dans des endroits divers et simples, proprets,
où il n'existe qu'un lit pour dormir
et une bassine pour vomir
tout ce qu'en m'offrant, tu as pris,
Seigneur,

vomir toujours.

("Elegie", de "Mutilarea artistului la tinereţe", Editura Muzeul Literaturii Române, 1999.)
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Mariana Marin
Sonderkommando*

Pendant longtemps il n'y eut pas d'autre vie pour nous
que celle d'un rire étranglé dans les chambres à gaz.
Pendant longtemps nous eûmes la muselière plaquée sur l'âme,
tandis que les mots nous évitaient,
décervelés.
Charrieurs de cendres aujourd'hui,
cendres de demain,
nous dépassions en splendeur les Inquisitions d'antan
(bien que parfois, dans les débuts,
nous ayons pleuré par pudeur sur leur sein, et baisé leur dextre).
Suicidaires au service des suicidaires,
nous regardions le levant et le couchant en même temps.
Les corbeaux qui rôdent quelquefois la nuit autour de vous
sont nos ombres
qui vous accompagneront lentement vers l'euglena viridis
dans les légers sacs à gaz
tous les mensonges sur la liberté.

*On appelait ainsi dans les camps d'extermination nazis les équipes de déportés chargés de retirer des chambres à gaz et de transporter aux fours crématoires les cadavres de leurs camarades.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Mariana Marin
Pour Anne Frank

Victorieux le souvenir des morts !
L'époque où ta jeunesse
devait se forger une cuirasse, un défaut
– simple méthode de salubrité pour l'esprit.
Victorieuses l'image toute proche de la lâcheté,
du mensonge gargouillant,
et la première trahison de l'ami
– pas même pour une poignée de deniers
mais par peur et par horrible suffisance.
Victorieuse toi,
au bout du cauchemar,
et « la tête dans les mains » que victorieusement il,
perplexité de la bêtise,
posera au sommet de la pyramide des têtes.

Victorieux le massacre des consciences
auquel tu n'as pas échappé,
qui n'a pas aiguisé tes crocs.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Mariana Marin
Un jour ordinaire

Des poèmes pour toi, Anne Frank !
Des poèmes pour toi.
C'est si bon de paresser et de ronronner
dans sa propre intelligence comme un chat, c'est si bon !
Et maintenant je vais aller à mon travail
– à la bibliothèque de la faculté des langues germaniques –
pour mettre assidûment des tampons et des numéros d'inventaire
sur des livres écrits par d'autres.
À la maison des poèmes pour toi attendront sagement sur ma table ;
et puis à midi, pendant la pause repas,
je les entendrai farfouiller
dans ce que nous avons chuchoté cette nuit ensemble.

Mais je mets des tampons sur qui ?
Et je catalogue qui ?

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Mariana Marin
Nachtlied

Je pense parfois aux arbres
sur lesquels Mandelstam écrivait ses poèmes
dans les dernières années de sa vie.
Comment les ont-ils intégrés à leur rythme végétal
après la mort du poète ? Quelles feuilles ont-ils données ?
Et l'écriture, cette écriture-là, comment l'ont-ils gardée
jusqu'à aujourd'hui en passant l'hiver ?

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Mariana Marin
Élégie

Tu ne sais même plus, Anne,
pourquoi il t'est si difficile de vivre.
Tout comme au Moyen Âge on imputait
les troubles de l'esprit à ceux de l'estomac,
tu cherches la cause de ton mal
dans ce qui se goinfre en dedans
sans pouvoir t'atteindre.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Mariana Marin
Dans le journal d'Anne

Opération du cerveau.
Je veux effacer de mon esprit le nom du peintre en bâtiment H.
Un coup de scalpel béni
pour en retirer le pus qu'est ce nom.
Le faire couler dans le seau à ordures.
Alors je serai guérie.
Alors nous ne serons plus emprisonnés
dans ces pauvres mansardes
où je deviens de plus en plus belle.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Mariana Marin
263 Prinsengracht

La même lucarne
dans notre quartier d'Amsterdam.
Il y a longtemps quelqu'un me disait
de ne pas regarder devant moi quand venait le temps de méditer.
De tourner mon regard en dedans,
là où se trouve ce qui me maintient
ou ne me maintient pas en vie.
Et pourtant aux heures de la douleur ou de la déroute
je fixe des yeux cette lucarne,
j'épluche doucement quelque avatar,
quelque rien qui y est enfermé à jamais,
je le mets sur ma langue,
je le mâche.
Je deviens le témoin,
la preuve matérielle
de ce qui me maintient
ou ne maintien pas en vie.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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