BENEDICTUS
extrait 2
Soudain, j’entends des mots
limpides sous la roche,
jetés en pluie au soleil,
des mots chuchotés si bas,
pour moi.
Car un jour d’avril est venu
par la nature,
dans la foi,
de toute son âme
et depuis,
le temps va
dilaté
même l’absence
s’incline au seuil de l’évidence
comme la tendresse qui rêve
sa marche et fredonne
ce murmure qui étreint
les assis
oubliés,
sans plus un mot,
côte à côte,
tête à tête
enveloppés
dans le thème
- né autrement
aux lèvres de l’Innocent - :
Il était une fois, dans la savane,
un loup et une girafe
qui rêvaient, rêvaient…
LE TERRIER
Certains jours, je voudrais
laver ma vie à grande eau :
qu’un mur de pluie s’abatte
sur cette pièce où s’entassent
les plinthes, les moindres recoins, la bête.
Derrière tous les autres mots était tapi celui-ci.
Et pas de fascination.
L’esprit aménagera sa pièce comme un terrier,
mais on la débusquera,
on la traînera dehors, la bête,
en pleine nuit, sur la place publique,
et l’on invectivera
les poils ternes qui couvrent ses yeux
- il faut se persuader
que rien ne dégouline dans l’âme -.
Elle écoute,
se couche sur la pierre demander grâce :
que l’on voit enfin son œil
et la béatitude d’un verset
qui la parcourrait.
Alors, dans le terrier, elles seraient seules :
- la bête et la poésie, la poésie et la bête -
impossible d’aller ailleurs
que dans ces pièces les plus reculées
où la vie baignerait.
BENEDICTUS
extrait 1
Ce matin, je me penche sur mon masque
sans penser à d’autres que lui.
Je noue l’étoffe, efface la bouche, le nez,
m’allège
autant que je m’abrite
de ce qui se projette :
fugitifs éclats à couper
le souffle quand ils se posent.
J’entreprends à présent :
sortir de chez moi,
là où les yeux se voient,
avec retenue s’asseoir sur la clôture,
face au pré se parler - et l’on
se trouve mieux.
Mais tout à l’heure, les masques n’étaient pas
de travers :
pourquoi se mettent-ils à courir ainsi
en - dessous,
sur le fil du visage ?
Déjà le printemps n’écoute plus,
s’en va dans la rue où
les masques fleurissent
comme un soulagement.
Le refrain sonne ancien dans la transparence
de l’air nouveau ; l’aventure cogne au tissu :
je m’avance, inspire.
Ce soir, je m’en reviens dedans, derrière
mon masque sans métaphore.
Je me penche
mettre mes pieds à nu,
dénoue l’étoffe :
- benedictus filtré au creux du jour -
l’expiration glisse, tranquille, entière.
J’ai retrouvé ma voix,
plus claire.
Sans penser, je me redresse
ouvrir la fenêtre
sur l’arbre,
et le vent
dans le feuillage.
…