Le coeur de l’histoire, cette femme qui attend le retour d’un bateau et de son capitaine, n’est peut-être pas original, mais elle est tellement originale, Céleste, et les gens qui l’entourent forment une telle galerie de personnages qu’on se laisse prendre au charme. Le roman est en outre divisé en quatre parties, quatre voix qui racontent chacune leur part de l’histoire, leur vérité, leurs sentiments.
Il y a d’abord Justin, l’aspirant journaliste, venu de Montréal en 1941 faire son apprentissage en Gaspésie. Il est immédiatement tombé amoureux de Céleste et a tenté de deviner son histoire.
Will McBrearty, l’Irlandais revenu de la Grande Guerre au Canada, le deuxième narrateur, avait su conquérir le coeur de Céleste en radoubant son bateau, la Lady Céleste. Mais il n’est jamais revenu de sa première expédition à la tête de la goélette.
Ensuite c’est au tour d’Emile Bourgeois, l’ami d’enfance de la jeune femme, de faire entendre sa voix, ses espérances, son ambition dévorante, sa jalousie envers Marie, l’Indienne qui s’occupe si bien de Céleste, et finalement sa patience si mal récompensée.
Enfin c’est Céleste elle-même qui livre sa vérité à un interlocuteur mystérieux, et lui raconte sa passion pour la mer, pour son père, pour ce bateau qui porte son prénom.
Quatre voix qui dessinent entre 1923 et 1945 un récit traversé par le vent, des tempêtes aussi rapides et imprévisibles que le squall, dans l’odeur du varech, à l’ombre d’un phare, sur une terre où les petits pêcheurs perdent petit à petit leur travail au profit des forestiers, et où les Indiens Micmacs, les premiers occupants de la Gaspésie, ont été relégués dans l’Anse-aux-Indiens. Mais leur culture est toujours bien présente aux yeux de la romancière, Marie-Christine Bernard, à travers le personnage de Marie, l’influence de quelques légendes anciennes et dans les sous-titres de chaque partie, rédigés en micmac.
Le charme de ce roman tient aussi pour moi au plaisir de découvrir des expressions typiquement québecquoises, puisque le roman est édité là-bas, mais surtout à son écriture : légère, fluide, poétique et fantasque comme Céleste, peuplée de vent et de craquements de bateaux, de violence et de tendresse, nourrie d’une attente impossible.
Un roman lumineux, comme son héroïne.
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