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Citation de Nano


A mon tour.
J'entre. J'oublie les regards de la foule de spectateurs. Je suis seule avec M. Molière. Et je dis très fort pour que l'on m'entende jusqu'au fond de la salle :
- Qu'est-ce que vous voulez, mon papa ? Ma belle-maman m'a dit que vous me demandez.
M. Molière :
- Oui. Venez ça, avancez là. Tournez-vous, levez les yeux, regardez-moi. Eh !
J'avance. Je me tourne. J'approche. Je lève les yeux. Je regarde M. Molière et je dis :
- Quoi, mon papa ?
M. Molière :
- Là.
- Quoi ?
Je dis ce « quoi » si fort, que toute l'assistance éclate de rire. M. Molière me fait signe de laisser les gens rire.
M. Molière :
- N'avez-vous rien à me dire ? N'avez-vous rien vu aujourd'hui ?[...]
- Non, mon papa. […]
M. Molière :
- Voici qui vous apprendra à mentir.
Il va pour prendre un fouet. Mon cœur bat. Je me calme et respire. Bientôt, il faudra que je bascule. M. Molière fait semblant de me frapper. Je me protège du fouet et je crie :
- Ah ! Mon papa, vous m'avez blessée. Attendez : je suis morte !
Et à ce moment, je tombe à la renverse, les bras en croix, les yeux fermés, le corps immobile, comme j'avais fait dans le salon chez nous. Les spectateurs ne savent pas s'ils doivent rire ou s'inquiéter. Est-ce qu'il a blessé cette petite fille ?
M. Molière :
- Holà ! Qu'est-ce là ? Louison, Louison. Ah, mon dieu ! Louison. Ah ! Ma fille ! Ah ! Malheureux, ma pauvre fille est morte. Qu'ai-je fait, misérable ! Ah ! Ma pauvre fille, ma pauvre petite Louison !
Il se frappe le front à plusieurs reprises et se lève de son fauteuil, oubliant sa maladie imaginaire. Plein d'inquiétude, il s'abaisse près de moi m'embrassant et me caressant les cheveux. Brusquement, je me relève. La salle rit.
- Là, là, mon papa, ne pleurez point tant, je ne suis pas morte tout à fait.
Tout d'un coup, j'hésite. Est-ce que j'ai bien joué mon rôle de morte qui se réveille ? Ça va. Je me maîtrise complètement.
Je sais qui je suis et à qui je parle. M. Molière est le malade imaginaire. Et moi, je suis sa fille, la petite sœur d'Angélique qui doit surveiller si elle embrasse son ami ou non.
- Voyez-vous la petite rusée ? Oh çà, çà, je vous pardonne pour cette fois-ci, pourvu que vous me disiez bien tout.
-Ho ! oui, mon papa.
- Prenez-y bien garde au moins, car voilà un petit doigt qui sait tout, qui me dira si vous mentez.
Et il soulève son doigt et le fait bouger près de moi.
- Mais, mon papa, ne dites pas à ma sœur que je vous l’ai dit.
M. Molière :
- Non, non.
- C’est, mon papa, qu’il est venu un homme dans la chambre de ma sœur comme j’y étais.
-Qu’est-ce qu’il lui disait ?
- Il lui disait je ne sais combien de choses.
- Et quoi encore ?
- Il lui disait tout ci, tout çà, qu’il l’aimait bien, et qu’elle était la plus belle du monde.[...]
M. Molière met son petit doigt dans l'oreille.
- [...] Oh, oh ; voilà mon petit doigt qui me dit quelque chose que vous avez vu, et que vous ne m’avez pas dit.
Je baisse la tête et fait une moue attristée. Les spectateurs éclatent de rire.
- Ah ! mon papa. Votre petit doigt est un menteur.
- Prenez garde, dit-il d'une façon menaçante.
- Non, mon papa, ne le croyez pas, il ment, je vous assure.
- Oh bien, bien, nous verrons cela. Allez-vous-en, et prenez bien garde à tout, allez...
Et il me chasse avec une tapette.
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