Marie-France Bokassa : "Jai pardonné lhomme, mais pas le chef dÉtat"
A chaque nouvelle naissance, mon père avait scruté le visage du nouveau-né afin d’y trouver une ressemblance avec ses propres traits. « La petite dernière, c’est la descendance des Bokassa ! » aimait-il répéter. Son ambition consistait à faire prospérer son nom pour les siècles à venir.
1977
Couronnement de Bokassa. Le coût de la cérémonie représente 20% du budget de l’Etat : cinq mille invités, une tenue de sacre avec cape conçue par Pierre Cardin, une couronne d’or fabriquée par Artus Bertrand…. (chronologie)
A force de recevoir des coups pour rien, certains de mes frères avaient fini par faire de vraies sottises, estimant plus juste de se faire corriger pour une bonne raison.
Dans mes souvenirs, je ne l’avais jamais vu travailler…du moins le pensais-je. Il avait gouverné un pays, mais dans mon jeune âge je ne savais pas qu’être un homme politique était un métier.
De retour en France, tout était différent. Extérieurement je ne laissais rien paraître, mais à l’intérieur un grain de sable avait grippé la machine. Sans balise, les bateaux s’échouent et les esprits se perdent.
Je suppose que tous les enfants tiennent à leurs affaires. Les miennes avaient pour moi une grande importance. Elles constituaient mes seuls repères stables.
J’appréciais tant ses confidences ! Je voyais combien son passé lui pesait. Je sentais, derrière cet homme directif et autoritaire, une personne lézardée, fragile. Je le comparais à une tortue, invulnérable sous sa carapace, mais si frêle lorsqu’elle en était dépourvue. (…) Derrière cette armure de conquérant, je décelais l’homme changeant et faillible.
…il nous confiait aimer les belles femmes jeunes et métisses. Il plaidait pour le métissage, un moyen d’unir les peuples, selon lui. Il jugeait plus beaux les enfants nés d’une telle union, considérant ce mélange comme un cadeau du ciel et une manière à terme de faire cesser les guerres entre les hommes.
Pour les rares auditeurs encore éveillés, mon père livrait sa version de son histoire. Il me disait s’appeler réellement « Mbedel » et racontait que son nom, Jean-Bedel Bokassa, venait de saint Jean-Baptiste de la Salle, un prêtre français qui avait consacré sa vie à éduquer les enfants pauvres.
Des villageois continuaient à implorer le retour de notre père, mais de mon côté je n’avais pas forcément envie de le voir aux commandes. Vu sa façon excessive de gérer les problèmes dans le cadre familial, on pouvait douter de sa capacité à tenir à nouveau les rênes du pays.