Faute d'autre solution, la tentation est forte d'une forme de retraite, de soustraction à un cours du monde dont on estime qu'il est carrément désastreux. Se retirer dans une "vie profonde" pour y mener une vie d'anachorète ne signifie pas nécessairement qu'on renonce et qu'on cède à la banale tentation narcissique d'une retraite où pouvoir à son aise cuver sa mélancolie et rêver à loisir. C'est aussi affirmer, en s'éloignant de tous les lieux de pouvoir, un refus de l'ordre du monde.
Jean-Claude Pinson
Zeno Bianu et André Velter
Entre reconnaissance éclairante et perpétuation opiniâtre, la poésie souffle plus loin que nos tombeaux. Elle évite à la langue de mourir. Et pour cela elle se doit d'être l'écriture embrasée, quintessenciée, insurrectionnelle de la vie.
J'appelle poésie cette dénégation du jour, où les mots disent aussi bien le contraire de ce qu'ils disent que la proclamation de l'interdit, l'aventure du sens ou du non-sens, ô paroles d'égarement qui êtes l'autre jour, la lumière noire des siècles,(...) les bras brisés d'avoir étreint de fureur ou d'amour le fuyant univers des anges, les fantômes du hasard dans leurs linceuls déchirés, l'imaginaire beauté pareille à l'eau pure des sources perdues...
Nous allons nommer ce qui se veut sans dénomination. Les souffles, les caresses, les masques de fer. Nous allons défendre ce qui se veut sans défense. Les spectres, les baisers, les résurgences, le cœur des coquelicots. (...) Nous allons refléter ce qui est sans reflet. Les ivresses, les stupeurs, les ombres rouges. (...) Nous allons rejoindre ce qui reste hors d'atteinte.
Ce qui est de toute beauté.