Il y a sept ans, Marie-Laure Janssens quittait la vie religieuse après avoir subi des années de harcèlement spirituel.
Je m'appelle Marie-Laure Janssens. J'ai passé onze ans dans la communauté des sœurs contemplatives de Saint-Jean, dont le couvent principal est à Saint-Jodard, près de Lyon. En 2010, j'ai quitté la vie religieuse, un an après l'intervention du Vatican qui a tenté de mettre fin aux dérives de ma congrégation. Je n'ai pas été violée. J'ai pourtant été victime d'un crime que ni le droit pénal ni le droit de l'Église canonique en reconnaissent : l'abus spirituel. Une variante religieuse de l'emprise affective et psychologique. Un détournement de ce que l'humain a de plus intime : son rapport à la transcendance.
Je sais aujourd'hui que cette machine est une usine à gaz, un système qui éparpille les responsabilités, qui tend toujours à éviter le scandale.
D'ailleurs, les évêques manient une arme qu'utilisaient déjà mes anciennes supérieures : le détournement du langage. leurs mots camouflent les dérives sous un chapelet de termes abscons, canoniques ou spirituels, qui érigent autour des victimes une prison aux mur épais.
Je me revois, un soir, dans ma cellule, allongée sur ma paillasse, prenant soudainement conscience de ce lien maladif. Était-ce normal d'être à ce point obsédée par une personne ? J'avais la sensation de régresser, mentalement accrochée à sœur Marthe comme si elle était ma mère.