Se tourner vers Dieu présent
Celui qui se nomme d'abord Nicolas Herman (1614-1691) est un Lorrain. Son village natal, Hériménil, où il passe toute sa jeunesse, se situe entre Nancy et les Vosges. C'est une région où l'exploitation agricole et forestière occupe la vie d'une population paysanne. Le climat est rude et le travail, dur.
La Lorraine est un duché francophone indépendant et, à partir de 1631, elle est en guerre contre la France. Nous sommes en pleine «Guerre des Trente Ans» qui déchire l'Allemagne et gagne plusieurs pays d'Europe. Nicolas s'engage comme soldat. Trois ans plus tard, il quitte l'armée en raison d'une blessure contractée au combat et il retourne à son village. Il sent que Dieu l'appelle à une vocation consacrée.
Une expérience qu'il avait faite à 18 ans le marque profondément : cet hiver-là, il voit un arbre dépouillé et il pense à ce qu'il deviendra au printemps. Pour lui, cet arbre qui prendra une allure toute différente dans peu de temps devient l'image de sa propre transformation intérieure. Si la puissance de Dieu qui se manifeste dans la Création peut susciter ce sentiment d'émerveillement, Dieu Créateur doit avoir un projet ô combien plus grand pour l'homme créé à son image et à sa ressemblance.
Ce récit de conversion est rapporté au début des «entretiens» entre Frère Laurent et son futur biographe. Cet événement déclencheur, d'une simplicité déconcertante, n'a pas immédiatement porté le jeune homme vers la poursuite de sa vocation. Il s'en souviendra comme d'une manifestation divine qui l'appelle amoureusement.
Nous sommes en droit de penser qu'un oncle qui est frère convers au Carmel a pu influencer son choix de vie religieuse.
ÉVOCATION DE SA VIE RELIGIEUSE
À 26 ans, il entre chez les carmes déchaux à Paris, lui aussi comme convers. Ce couvent est grand et les religieux, nombreux.
Frère Laurent de la Résurrection, c'est son nom désormais, fait son noviciat, puis devient le cuisinier en chef pendant quinze ans. Par la suite, on lui confie l'office de savetier du couvent et c'est lui qui s'occupe de la provision de vin. Sans doute que Laurent exerce une bonne influence puisqu'il restera au couvent parisien pendant un demi-siècle.
À son époque, les frères convers ont une vie plutôt retirée, mais laborieuse. Du reste, la vie de Laurent se laisse découvrir comme un éloge du «travail» accompli pour Dieu seul, par amour de lui. Mais Laurent, bon ouvrier et plutôt joyeux, se laisse aussi travailler en profondeur par Dieu. Il ne nous dissimule ni ses épreuves spirituelles, ni ses souffrances physiques. Cet homme nous parle sans façon et le récit porte le sceau de l'authenticité.
Il semble avoir bien profité des enseignements spirituels de quelques grandes figures qui habitent son couvent, entre autre le P. Cyprien de la Nativité, traducteur des oeuvres de Jean de la Croix.
Au fil de ses années de vie religieuse, Laurent développe une «pratique de la présence de Dieu» au profit de sa propre vie d'oraison. Les 25 dernières années de sa vie, il reçoit au parloir pour l'accompagnement spirituel.