De plus en plus souvent, lors de mes visites, je te trouvais ainsi, absente, ma toute belle au bois dormant. Si petite dans ton lit blanc, enclose, inerte, ailleurs. Inconsciente de ma présence.
Et j’en étais frustrée, pour toi comme pour moi.
Je craignais plus que tout que tu ne te sentes abandonnées. Tu te réveillerais dans une chambre vide, après mon départ. J’étais venue te voir, tu ne le saurais pas.
Ces jours-là, je n’arrivais pas à te quitter. Je restais plus longtemps, attendant ton réveil, dans la crainte de le manquer d’une simple minute. Sans succès, quelquefois.
Je m’emplissais les yeux de toi, posée dans ton sommeil comme dans une barque.
Toi, dérivant au fil d’un courant invisible, qui t’éloignais des côtes, de la vie, et de moi.
Tu n’aurais pas aimé savoir que je te regardais dormir. Tu étais pudique, secrète.
J’avais le sentiment d’être un peu indiscrète. (p.81-82)