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Citation de amigurumis


Dialogue avec Sylvie Germain p.73
Question pour conclure, pensez-vous que le désir ait des limites?
Non, sur le plan de l'intensité et de la durée, il ne devrait pas en avoir. C'est beau d'être porté, poussé par le désir jusqu'à l'heure de sa mort. Qu'y a-t-il de plus triste que de voir certaines vieillards (parfois très précoces) mutilés du désir? L'indifférence, le dégoût, l'ennui chronique nous exilent au désert. Au désert de l'amour.
On ne pas pas vivre sans désirer.
Le désir ne devrait pas avoir de terme; seulement ce que l'on peut souhaiter, c'est qu'au fur et à mesure du temps il s'épure, il s'allège, s'illumine, c'est que l'horizon vers lequel il tend soit le plus ouvert possible. Dans l'enfance, et plus encore dans l'adolescence, le désir bouillonne, il part dans tous les sens, il est "gourmand", puis il s'oriente (plus ou moins), commence à faire des tris, puis...soit il se fossilise autour de quelques objets ou buts obsessionnels, soit il s'étiole, soit il se dépouille, ce qui n'est pas du tout la même chose.
Le désir qui s'enroule autour d'objets précis risque de ressembler de plus en plus à l'envie; le désir qui s'étiole finit, lui, par se rancir, par crever à petit feu, et cela donne des avares du cœur et de l'esprit, des acariâtres, des fruits secs.
En revanche, le désir qui se dépouille, se déleste des bâts dont il était inconsidérément chargé, et donc qui se libère, enfante des êtres lumineux, au cœur et à l'esprit prodigues, toujours curieux et inventifs.
Les limites à imposer au désir doivent porter sur les choix des objets désirés, sur les moyens employés pour y parvenir, mais pas sur sa force. Malheureusement, un des aspects lamentables de la société de consommation est qu'elle s'efforce de séduire les enfants de plus en plus tôt pour exploiter leur capacité de désir qui est tellement vivace, en plein jaillissement, et ensuite elle nous tient au collet le plus longtemps possible. La société marchande ratisse large, elle s'intéresse aux gens - en tant que consommateurs/clients dont on peut tirer profit - à tous les âges, jusqu'à ceux qu'on désigne comme "troisième" ou même "quatrième" âge...
Le désir n'est plus une fête, encore moins une aventure, il ressemble alors plutôt à une énorme foire, puis dégénère en pathétique mascarade.
La traversée du temps - c'est cela notre destin. Et de bout en bout de cette traversée, le désir nous habite, nous anime, nous motive. Il ne faut pas trop nous endormir en cours de route pour ne pas laisser ce désir dégénérer en tyran à notre insu, ou au contraire en paresseux repu.
Le désir, comme "l'esprit d'enfance", est une grâce à préserver, un don à travailler. N'importe quel don laissé en friche ne produit sinon que des herbes folles, quand ce ne sont pas des ronces.

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