Son regard noir est profond, perçant, voire dérangeant. À l’observer, on en vient presque à se demander s’il s’agit d’un regard diabolique ou bien de l’émergence d’un corps imbibé de drogue. La fixité de son regard donne l’impression de lire jusqu’aux fors intérieurs de mon aînée et moi, comme si elle cherchait à savoir à qui elle a affaire. Lors de cet échange visuel, je baisse rapidement les yeux, troublée et déstabilisée par ce vis-à-vis. Je ne la connais pas, pourtant, il me semble que cette jeune femme et moi sommes maintenant liées. J’ai la sensation qu’une énergie sortant de ses iris m’a happée et encerclée. Un message est passé. Cependant, je ne suis pas encore capable de le déchiffrer.
La vie, pas toujours très tendre avec moi, m’avait beaucoup changée. Je revendiquais ma liberté pour ne jamais me retrouver face à l’interdit. Je voulais jouir de mon temps et de ma vie sans contraintes et sans entendre qu’un tiers me donne son avis.
Nous nous fréquentions depuis de nombreux mois. Notre histoire avait bien commencé, il m’avait fait rêver… C’est comme s’il avait su exactement comment me faire tomber, d’abord dans ses bras puis dans son lit et enfin dans l’amour et la dépendance. Et comme dans toute dépendance, c’est le manque et la souffrance qui accourent. J’y avais vraiment cru. Il m’avait doucement glissé l’espoir du grand amour tel qu’on le rêve à travers les contes. Je l’ai rêvé jusqu’à ce que j’apprenne, il y a trois mois, que je n’étais pas la seule femme dans sa vie et comprenne que je ne serai jamais la principale, mais seulement l’amante passant ses journées dans l’attente.
Il est toujours très difficile de connaître le fond de mes pensées. Je me défile chaque fois derrière un mystère dont moi-même je ne possède pas les clefs. Les gens me croient souvent timide alors que je suis tout simplement perdue dans mon océan de pensées angoissantes, dont les vagues affluent sans arrêt. Et moi, au milieu de cette marée montante, je prie souvent pour que ma tête arrête de tourner. J’ai constamment l’impression de vivre ma vie à travers un filtre parasite fait de peurs sans noms.
J’en ai beaucoup souffert. Le mot le mieux adapté pour décrire ce que j’ai ressenti est trahison. Je suis désireuse de plaire aux hommes, malgré le fait qu’ils soient déjà engagés sentimentalement. Peut-être que je cherche sans cesse à gagner devant des rivalités féminines… Gagner, ce que je n’ai pas réussi à faire dans le passé.