Mon identité est la somme des apports d'autrui. Il n'y a jamais de trop-plein dans ce brassage. Il en est de l'esprit comme d'un trou noir avide de sensations : plus j'absorbe, plus je croîs. Mon horizon s'élargissant, ma surface d'absorption devient plus importante ! Nous savons tous que cette expansion aura une fin, mais, comme les épicuriens, j'estime inutile de me préoccuper de ce qui échappe à mon influence. Ce qui m'émerveille à chaque fois, c'est que cette absorption n'enlève rien au monde si ce n'est de l'obscurité et du brouillard. Ce que j'aurai pris aux autres me renforce sans les priver de quoi que ce soit.
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Mais il faut avouer que lorsque le monde entier sera adapté aux gouts de tous - ou plutôt, lorsque les gouts de tous seront infléchis pour facilité le commerce -, le marketing risque d'avoir fort à faire pour forger des arguments.
Tandis qu'un globe-trotter accumule les perceptions issues de ses propres sens, le voyageur de fiction peut faire siennes les expériences de dix mille personnages explorés par une myriade d'auteurs.
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La gratuité, que ce soit sur les sites de streaming de musique ou avec des outils puissant comme Google Maps joue souvent le même rôle vicieux qu'une première dose d'héroïne offerte...
Pour bien des personnes, hélas, le voyage n'est que l'expression d'un hubris commun à notre époque, cette force individualisante qui pousse à se sentir unique et - bien que ce ne soit que rarement exprimé consciemment - au-dessus des autres. Nous croyons tous mériter ce dépaysement comme s'il s'agissait du remède à tous nos maux.
Mais si le plaisir est son moteur premier, pourquoi ne se contente-t-il pas de jouir de bonheurs simples et accessible plutôt que de chercher sans arrêt la nouveauté, qui excitera ses neurones ? Précisément parce que seule une expérience nouvelle lui permettra d'atteindre le bonheur, dans une fuite permanente vers autre chose.
Notre époque est singulière au regard de ces outils : jamais, dans l'histoire de l'humanité, nous n'avons eu accès à davantage de savoirs et de partages. Malgré cela, par manque de curiosité ou de temps, et par conséquent de compétences techniques, la plupart d'entre nous, passent à coté d'innombrables expériences du monde.
Notre époque est singulière au regard de ces outils : jamais, dans l'histoire de l'humanité, nous n'avons eu accès à davantage de savoirs et de partages. Malgré cela, par manque de curiosité ou de temps, et par conséquent de compétences techniques, la plupart d'entre nous passent à coté d'innombrables expériences du monde.
Même les paysages les plus reculés sont pris d'assaut, jusqu'à ce qu'une autre mode réoriente les flux de voyageurs et laisse le terrain en ruine. La compétition fait rage, la promotion et la publicité entrainent sans cesse de nouvelles transformations ; au nom d'une redistribution imaginaire, chacun se retrouve impliqué.
Nos parents avaient l'excuse de l'ignorance, mais aujourd'hui, alors que nous nous étonnons et offusquons que les millions de Chinois et d'Indiens réchauffent l'atmosphère en brulant des tonnes d'énergies fossiles, nous oublions que nous fumes les premiers à abuser du monde !