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Citation de Ledraveur


Les dévots du bouddhisme
La perspective historique du livre est complétée par une approche ethnographique classique. Quel est exactement cet enseignement dispensé par le célèbre personnage au centre de l'étude ? Marion Dapsance répond à cette question en évaluant les aspects performatifs des sessions lors desquelles le maître entre en relation avec ses disciples — que ce soit en personne ou, le plus souvent, sous la forme d'une représentation enregistrée, une « relique virtuelle », grâce à laquelle les dévots, dans un état de réceptivité psychologique particulier (“l'empathie”) croient que l'état de leurs neurones est transformé. La clé de la puissance de persuasion de cette institutio — qui est une entreprise bien huilée avec un « management autoritaire » — se trouve dans le contrôle minutieux du langage qu'elle opère. L'excellente analyse du discours utilisé dans cette communauté offre un modèle que l'on pourrait facilement étendre à des cas semblables — et ce n'est pas ce qui manque — afin d'expliquer comment une pensée unique parvient à s'imposer en réduisant de manière drastique l'éventail des formulations linguistiques disponibles. L'anthropologue Maurice Bloch a souligné que les discours politiques et rituels avaient en commun d'être des formes appauvries du langage : dans aucun de ces deux domaines il n'est souhaitable de permettre plus qu'une quantité limitée de pensées et d'actions ; et le langage utilisé dans le cadre de Rigpa, l'association étudiée par Marion Dapsance, affiche toutes les marques d'un tel appauvrissement linguistique.
Quiconque se considère adepte du bouddhisme tibétain, ou tout au moins sympathisant de sa culture et de ses aspirations, devrait se réjouir de la publication de ce livre. Les révélations des abus de longue date au sein d'une institution religieuse peuvent mener — comme cela a été le cas récemment en Europe et en Amérique du Nord — à la condamnation globale de cette institution, mais elles peuvent aussi inciter certains fidèles à abandonner la religion sous la bannière de laquelle ces abus ont été perpétrés. Ce livre frappe fort ; mais il distingue avec soin la religion des institutions qui s'en réclament, et la cible de l'auteur n'est pas le bouddhisme tibétain.
Les disciples justifient la façon dont le maître les traite en y voyant une manifestation de « folle sagesse », un style dont on trouve de nombreux exemples dans les biographies tibétaines : la signification spirituelle d'un acte change selon qu'il est accompli par une personne ordinaire — auquel cas il peut être moralement condamnable — ou par une personne éveillée — il est alors l'expression de “moyens habiles”. Il ne faudrait pas prendre les excentricités de certains personnages célèbres dans la littérature tibétaine pour une caractéristique normale du paysage religieux tibétain.
p. 14 – 15
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