Je me sens comme une sardine trop serrée dans sa boîte, comme un pull en laine passé à la machine ou une tomate oubliée au soleil.
Aujourd’hui, un nuage gris s’est faufilé derrière mes paupières. Sans rien toucher, un petit vent intérieur a soufflé, doucement, et le nuage est parti. C’est drôle, mon sac est pourtant resté bien fermé, je ne l’ai pas touché. Comme par magie, la grisaille a filé, s’est envolée. Je respire calmement la vie.
Tchahio ! Tchahio !
Je crie ces mots presque magiques dans le vent. Ils viennent des plus hautes montagnes de la terre. Là-bas, dans l’Himalaya, quand on arrive au sommet du chemin, au passage du col, on les crie fort, plein d’énergie, pour exprimer sa joie d’être en haut du monde, pour lancer ses prières aux vents, ses souhaits aux nuages, ses peines aux oiseaux…
Mais tous les matins, c'est pareil.
Alors non, ça ne va pas.
Je ne peux pas courir chaque jour gris en haut de la montagne.
Comment garder un petit ventilateur dans la tête ?
Comment chasser ces nuages qui me remplissent quand l'air de la montagne est trop loin ? (p. 13)
Je sens la caresse du vent. Il m'aère la tête, il emporte toute ma grisaille. Lentement, je redescends, je pose un pied devant l'autre. J'entends respirer les rochers.
Je fais la course avec les oiseaux.