AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Mark Durden (6)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Dorothea Lange

Cette photo en noir et blanc d'une femme soucieuse posant avec ses trois enfants dans une tente de fortune est tellement célèbre qu'on en oublie parfois ce qu'elle représente vraiment: l'exil et la longue marche des fermiers pauvres de l'Oklahoma et de l'Arkansas vers l'Ouest dans les années 30.

Premières victimes de la Grande Dépression qui s'abat sur le pays, ils subissent en plus de ça la sècheresse causée par plusieurs années de tempêtes de poussière empêchant toute récolte, dues à une agriculture industrielle intensive qui a érodé le sol des grandes plaines, peu adaptées aux cultures.

Ces phénomènes de tempêtes de poussière (Dust Bowl) sont d'ailleurs très impressionnants et sont un véritable désastre écologique pour le pays.

Dorothea Lange, avec d'autres photographes, est engagée pour photographier ces migrants qui affluent vers la Californie à la recherche de travail. Elle parcourt ainsi la Route de l'Ouest, s'arrêtant dans les camps de migrants, les écoutant parler de leur vie quand ils le veulent bien, et les prenant en photo avec une compassion sincère. Elle y fait la part belle aux femmes, qui apparaissent bien plus fortes, solides que les hommes face à l'adversité. Elle n'oublie pas les minorités tels que les Noirs, certains anciens esclaves, ou encore les émigrés japonais parfois étiquetés comme du bétail. Certaines photos, aux angles bien choisis, mettent en évidence l'arrogance des propriétaires de cultures qui n'ont qu'à piocher dans la main d'oeuvre bon marché pour prospérer à moindre frais.

Entre spontanéité et une grande maîtrise à la fois du cadre et du sujet, Dorothea Lange nous offre des photos terribles de cette catastrophe humanitaire américaine. Beaucoup de photos m'ont fait penser à la famille Joad, les Okies dépeints par John Steinbeck dans les Raisins de la Colère. Ce recueil est richement légendé sur le travail de Lange photo par photo, pour laquelle j'ai une admiration plus grande encore, maintenant. Il me semble qu'en une cinquantaine de photos à peine, tout y est: la crise économique, l'industrialisation de l'agriculture, le pays coupé en deux - les puissants et les laissés-pour-compte - l'inquiétude, le courage, la solidarité, la colère, l'espoir lisibles dans les traits des personnes prises en photo.

Commenter  J’apprécie          200
Dorothea Lange

En empathie avec les personnes qu’elle photographie, Dorothea Lange est une militante qui veut transmettre son émotion face au désastre humain qu’engendre une crise économique.

Elle quitte son travail de portraitiste et part sur les routes à la rencontre des petits fermiers américains qui, expropriés de leurs terres pendant la grande dépression, furent poussés par la sécheresse et la ruine, sur les routes de l’ouest à la recherche d’un eldorado qu’il ne trouveront pas. Parqués dans des tentes de fortune ils essaient de survivre parmi une population autochtone hostile qui ne voit pas leur arrivée d’un bon oeil.

Dorothea Lange abolie toute distance avec le sujet qu’elle photographie en noir et blanc, en choisissant un cadrage serré. Mais elle ne se contente pas de photographier les gens qu’elle rencontre, elle fait aussi entendre leurs voix :

- «Nous avons bien vécu quand il y avait du coton à récolter. Mais nous n’avons plus de travail depuis mars. Quand nous n’avons plus rien, il faut bien manger quand même. Le pire que nous avons fait, ça été de vendre la voiture, mais il fallait bien manger, et maintenant nous ne pouvons plus partir d’ici. Nous serions morts de faim si ma soeur, à Enid ne m’avait pas envoyé de l’argent. En Avril dernier, quand il a neigé, nous avons dû brûler des haricots pour nous chauffer. Ici, on n’obtient aucune aide tant qu’on est pas resté au moins un an. Ce pays est rude. On ne vous enterre même pas. Si vous mourez, vous êtes mort, voilà tout.»

«Femme des hautes plaines 1938»



Si je devais choisir deux ou trois photos dans ce bel album aux reproductions de grande qualité je retiendrais :

- «La crise, bas reprisés, sténographe, San Francisco» de 1934; qui représente un gros plan sur les jambes d’une femme aux bas reprisés de partout, «qui pour préserver une dignité dans son apparence» préfère «être vue avec des bas reprisés que sans bas du tout»

- «Migrant Cotton Picker, Eloy, Arizona» de 1940, gros plan du visage d’un homme, la main devant la bouche pour masquer le mauvais état de ses dents.

- «Mère migrante, Nipomo Californie» de 1936, la plus célèbre d’une série de six photos qu’elle commentera : « Je ne lui ai pas demandé son nom, ni ce qu’elle avait enduré. Elle m’a dit qu’elle avait 32 ans, et qu’ils se nourrissaient des légumes gelés ramassés dans les champs, et des oiseaux que les enfants parvenaient à tuer. Elle venait de vendre les pneus de sa voiture pour acheter de la nourriture. Elle se tenait là, sous cette tente, avec ses enfants blottis contre elle, consciente que mes photos pourraient peut-être l’aider ; et c’est pourquoi elle m’a aidée. Il y avait une sorte d’égalité dans notre rapport. »

- Où encore cette photo très ironique, de deux hommes qui marchent, valise à la main sur le bas-côté poussiéreux de la route, "entrain" de dépasser un immense panneau publicitaire sur lequel est écrit : Next time try the train Relax. «Toward Los Angles» 1937



Je retiendrais également ce commentaire de Paul Taylor «An American Exodus» :

A leur arrivée dans les vallées fertiles de l’ouest, ces migrants en guenilles sont la catégorie la plus méprisée, la plus affamée, la plus négligée de notre population. Ces miséreux sont l’objet des sarcasmes de ceux qui regardent de haut les «vagabonds ramasseurs de fruits». Malgré cette misère, ils gardent le moral et une réelle volonté de travailler. Ces gens ne sont pas un ramassis de ratés. Ils forment un matériel humain que l’érosion humaine a cruellement disloqué. Ils ont été dispersés comme les copeaux de bois après le passage du rabot, ou comme la poussière de leurs fermes, littéralement soufflés par la tempête. Et ils marchent vers l’ouest, ces américains blancs, à la suite d’une longue procession d’immigrants, des chinois, Japonais, Coréens, Noirs africains, Hindous, Philippins, pour travailler aux récoltes au profit des fermiers.»





Un magnifique document de Mark Durden paru aux éditions Phaidon. Reproductions de belle qualité. Simplicité de la mise en page. Jolie couverture. Cela donne vraiment envie de se plonger dans leur catalogue.
Commenter  J’apprécie          150
Dorothea Lange

Raisins de la colère..

Au même moment où se déroule l'action du livre de Steinbeck (ou d'ailleurs le film de John Ford) une jeune photographe consacre son temps à photographier des paysans déracinés avec une humanité extraordinaire. Chacun connait sans doute la photographie de la mère migrante très émouvante. Mais il y a parfois une ironie amère lorsque par exemple elle photographie des paysans accompagnés de leur maigres affaires rangées dans un balluchon devant une publicité de train de luxe qui annonce "la prochaine fois prenez le train !"...

Dorothea Lange joue de manière brillante avec ces contrastes.

Elle est ensuite restée toute sa vie fidèle à ses engagements politiques puisqu'on lui doit aussi de magnifiques photographies de Japonais emprisonnés aux Etats-Unis après Pearl Harbor.

Certes elle publié ses photos de son vivant ce qui fait moins parler en ce moment, mais c'est franchement magnifique !
Commenter  J’apprécie          70
Dorothea Lange

Photographe universellement connue au travers de ses séries sur les déshérités de la Grande Crise de 29, notamment les fermiers migrants, ou sur les inégalités sociales et ethniques de l'Amérique juste avant et pendant la guerre, les photographies de Dorothea Lange restent de véritables coups de poing car pour elle, le pouvoir de persuasion est l'un des devoirs d'un photographe: " convaincre le spectateur implique de lui donner une place dans vos pensées. Ce n'est pas un spectateur. Vous avez le pouvoir d'élargir ses perceptions et ses conceptions."

Et c'est en cela qu'elle est grande.
Commenter  J’apprécie          40
Dorothea Lange

Un album de magnifiques photos prises lors de la Grande Dépression aux Etats-Unis. L'artiste sait merveilleusement rendre les gens vivants.
Commenter  J’apprécie          20
Dorothea Lange

Qui, mieux qu'un artiste tel que Mark Durden pouvait présenter la vie et l'œuvre de Dorothea Lange ? Déjà connue et reconnue pour ses portraits en studio des familles les plus riches et les plus en vues de San Francisco, Dorothea Lange va se consacrer, dès 1933, à la photographie socialement engagée.



Dès ses premiers clichés, elle va mettre en avant la vulnérabilité, l'anxiété, l'isolement de ses sujets, malgré le monde qui les entoure. Sa toute première photo, « Soupe populaire de l'Ange blanc », révèle son message, au visuel tranché. Dorothea Lange veut montrer le vrai visage de l'Amérique, de sa côte ouest, moins romantique, moins parfaite que certains ne l'imagine ou ne se la représente. A Sa Francisco comme à New York, en 1932, tout le monde souffre des conséquences de la Grande Crise de 1929. Dans l'ensemble de son travail artistique, la photographe s'attachera au langage du corps, à son mouvement, aux détails de celui-ci. Chez Dorothea Lange, les corps sont meurtris – physiquement ou moralement. Ils semblent cassés, brisés, par le travail éreintant, le handicap ou la misère des années 1930.
Lien : http://dunlivrelautredenanne..
Commenter  J’apprécie          20


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Mark Durden (18)Voir plus


{* *}