Je me suis posé la question dès ma toute première montée: pourquoi personne ne parle dans un ascenseur ?
Je devais avoir six ans et j'accompagnais mon père à son bureau lorsque j'en ai pris conscience pour la première fois: non seulement les gens évitaient soigneusement de se regarder entre eux, mais il régnait aussi, dans la cage d'acier bondée qui nous trimballait d'un étage à l'autre, un silence quasi funéraire, malsain et angoissé.
Lorsque je l'ai questionné sur les motifs profonds de cette anomalie, mon père m'a répondu: "Quand il se sent piégé, l'homme se replie sur lui-même et se tait."
Alors depuis ce temps, forte de ce diktat, moi aussi je me tais dans l'ascenseur, je fais comme tout le monde.