Pour offrir au saint patron de la ville un accueil digne de sa renommée et lui éviter tout dépaysement, pères fouettards, cantor, ânier, chanteurs, fifres et fanfarons endossent une tenue à la mode d'autrefois avant de l'entourer en rangs serrés pour l'escorter jusqu'à la cathédrale qui porte majestueusement son nom. C'est de sa terrasse que le saint s'adresse au bon peuple de Fribourg, enfants et parents réunis, ravis de s'entendre dire combien ils ont été sages... ou prêts à recevoir une juste et paternelle réprimande. Les paroles s'achèvent par la traditionnelle bénédiction, dans une nuage flamboyant illuminant la tour de la cathédrale qui se pare alors d'une majesté sans égale.
Puis, le cœur tout vibrant encore du son des fifres, chacun s'en retourne un biscôme à la main, la tête pleine de rêves, étoilés comme l'anis parfumant le vin chaud...
"Notre amour paternel envers les Suisses Nous pousse à assurer le salut de leurs âmes et leur fidélité à la foi catholique. C'est pourquoi... Nous érigeons et instituons à perpétuité dans la ville de Fribourg un collège pour un recteur et quelques-uns de ses confrères, lesquels devront instruire le peuple dans la saine doctrine et les bonnes mœurs et donner
l'exemple d'une vie chrétienne. " C'est par ces mots — simplifiés par rapport à la version originale en latin — que commence la bulle "Paterna illa charitas" par laquelle, le 26 février 1580, le pape Grégoire XIII (1502 - 1585) confiait à l'Ordre des jésuites la fondation et la direction d'une école à Fribourg. Simultanément il ordonnait la suppression du monastère d'Humilimont, près de Marsens, dont les biens devaient servir d'assise matérielle et financière au nouveau collège. Le nonce apostolique en Suisse, Giovanni Francesco Bonhomini, le prévôt Peter Schneuwly et son ami, le curé de la paroisse de St-Nicolas, Sebastian Werro, s'étaient fortement engagés pour obtenir du pape cette décision. En cette période de contre-réforme, ils comptaient sur un établissement scolaire de haut niveau pour défendre la foi catholique à Fribourg alors que Berne, sa puissante voisine, avait adhéré à la Réforme.
Le Père Emonet, dans son texte "En classe avec l'abbé Dutoit", souligne cette importance humaniste de l'étude des langues anciennes : " Ce que l'abbé Dutoit nous apprenait à chercher et à contempler dans les grandes œuvres littéraires de l'Antiquité, c'était la beauté de l'âme humaine." Et de citer le père Festugière : "Dans un collège, il ne s'agit pas seulement d'instruire. Il s'agit d'élever des âmes.Or l'âme s'élève au contact de l'héroïsme et de la beauté."