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Citation de Ziliz


Ziliz
19 février 2017
J'ai sorti mon portable. Mes mains tremblaient. Le 17 ne marche plus, ou si ? Le 112 ? Et merde, il faut appeler qui quand on vient de se faire violer ? Mes doigts tremblent. Je compose le 17. Ça fonctionne ! 'Vous avez demandé la police, ne quittez pas s'il vous plaît.' En trois secondes, j'ai vu défiler devant moi les dix années suivantes de ma vie, étape par étape. Je me suis vue au commissariat en train de raconter mon histoire à un officier de police judiciaire tapant avec deux doigts et me demandant de décrire précisément ce que je venais de subir, puis en train de relire un procès-verbal truffé de fautes d'orthographe et décrivant en quelques mots ce qu'il ne suffira pas d'une vie pour oublier. Je me suis vue transférée à l'hôpital. J'ai vu le médecin en blouse blanche me demander avec douceur d'écarter les cuisses pour effectuer les prélèvements, faire les constatations médico-légales. J'ai vu Antoine arriver, défait, décomposé, enragé, dévoré par la culpabilité de m'avoir laissée rentrer seule. J'ai vu ses yeux me regarder comme une victime. J'ai compris que tout le monde maintenant allait me regarder comme une victime. Plus jamais je ne serais qui je suis. [...] Aux yeux de tout mon entourage, je serais désormais la femme violée. Une victime, à jamais. [...]
J'ai vu le regard des autres, auquel j'attache tant d'importance, se transformer. J'ai vu la suite, aussi. La cellule de soutien psychologique. Les groupes de prise de parole. Plus tard, l'identification de mon violeur au milieu des fonctionnaires et de voleurs à la tire. Le procès. L'avocat à qui devoir tout raconter, encore et encore. La confrontation physique, au tribunal, sans la protection d'une vitre sans tain, cette fois. Entendre l'avocat de ce salopard raconter son enfance misérable, les maltraitances subies, toutes les raisons qui expliquent, voire qui justifient, parce qu'on ose tout dans une stratégie judiciaire, son déséquilibre et ses pulsions maladives. Voir les jurés comprendre, compatir devant une histoire personnelle terrible et la pauvre victime, qui avait eu la malchance de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Et finir par entendre le juge prononcer une condamnation. Combien ça vaut, un viol ? Cinq ans ? Dix ans ? Quinze ans ? Et moi, bordel ? Perpète pour moi, pas d'alternative. Toute une vie. Toute MA vie, foutue en l'air, pour cinq minutes de plaisir d'un putain de détraqué. Une vie à la poubelle, aux orties, à la benne. Et pas de remise de peine. [...]
J'ai raccroché. Je ne voulais pas être une victime. Je voulais oublier. Ou-bli-er. Je ne voulais qu'oublier.
(p. 26-28)
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