Le sociologue et économiste états-unien Thorstein Veblen avait montré dès la fin du XIXe siècle en observant les classes supérieures que la consommation ne servait pas simplement à combler ses besoins, mais aussi à se démarquer. Ainsi, on va s’acheter un objet à un prix très élevé, non pas parce qu’il serait de meilleure qualité, on peut prouver qu’à qualité égale, on peut se procurer ce produit à moindre coût, mais parce qu’il est cher justement. En d’autres mots, on s’achète une montre Rolex non pas parce qu’elle marquerait mieux l’heure, mais parce que c’est une Rolex, une montre que tout le monde ne peut pas se payer.
Une des raisons: des membres de l’élite économique de nos sociétés occidentales obtiennent une part non négligeable de leurs revenus d’une augmentation vertigineuse de leur salaire. C’est une couche extrêmement mince de salariés, cela va de soi, mais qui accapare d’année en année des salaires de plus en plus faramineux. «On représentait traditionnellement le riche comme un rentier. Le voilà désormais salarié» (Godechot, 2007).
... Il est par conséquent fondé que les riches sont de plus en plus riches et que le fossé entre eux et le reste de la population ne cesse de s'élargir.
... Les salaires sont les revenus les plus imposés, or, ils «ne représentent que 8,8 % des revenus des 400 personnes les plus riches, les plus-values, 57 % et les intérêts et dividendes, 16 % — donc, 73 % de leurs revenus sont assujettis à de faibles taux d’imposition»
Cette peau dont parle de Gaulejac est constituée pour une grande part des marques de la classe sociale dans laquelle on a grandi. Elles révèlent une part essentielle de notre identité. Chaque être humain est unique ou singulier, mais en même temps pareil à des milliers d’autres parce qu’il a partagé avec eux les mêmes conditions d’existence matérielles, politiques et culturelles. En d’autres mots, tout individu naît et grandit dans un milieu social spécifique dans lequel il trempe de toutes ses fibres.
Tout ce branle-bas autour de la philanthropie, et plus traditionnellement autour du mécénat, ce soutien aux artistes et aux arts en général, a aussi pour but chez les riches de se doter d’un capital à la fois lucratif et plus décisif que les autres formes de capital. Pour asseoir encore plus fermement son influence, son pouvoir, son estime, voire sa pérennité, il faut acquérir du capital symbolique.
Le cossu, en effet, pour asseoir son influence, doit se pourvoir d’un capital qui va au-delà de son compte en banque, d’un capital social. Il s’agit de l’ensemble des relations privilégiées qu’un individu peut entretenir, et qui lui permettent de profiter d’opportunités auxquelles d’autres n’ont pas droit.
On ne s'enrichit pas pour s'enrichir comme l'avare, on s'enrichit pour obtenir de plus en plus de considération.
Cette libération d’un temps obligé pour le reste de la population leur a donné, entre autres, le goût du voyage et des séjours d’agrément. Ce sont les premiers au cours des siècles à avoir institué ce divertissement hors du foyer.
Ainsi, l'image fantasmée du pauvre qui est plus heureux malgré tout que le riche, une revanche dont certains veulent nous convaincre ou convaincre les moins bien nantis qu'eux, est tout à fait déplacé
En réalité, quand on est plein aux as, consommer est d'abord et avant tout un puissant moyen d'affirmer son statut et d'en imposer.
Comme Dieu auparavant, l'argent est devenu la mesure et l'infinité de toute chose.