Reprenons le texte de M. Le Moyne : De toutes les manifestations de la vie artistique et intellectuelle au Canada français, la peinture nous semble la plus « avancée », la plus sûre de soi, celle qui fait preuve de la plus certaine maturité. Elle est vraiment assurée de son avenir, elle s'est sans aucun doute insérée dans une tradition vivante et universelle et y occupe une place éminente. Son éclatante rupture avec l'académisme nationaliste (comme avec tout académisme) est un scandale réconfortant. Elle nous a donné enfin un art sans mission, sans intentions autres que son propre achèvement, nous avons enfin des œuvres dues à la seule urgence créatrice.
Mais, il faudrait être aveugle et injuste pour ne pas reconnaître que de Québec, de l'Ontario ou de l'Ouest canadien viennent à Montréal nos meilleurs peintres. Ils y trouvent, au contact de leurs confrères, une émulation, et leur production, un climat favorable.
II ne s'agit donc pas de dresser des villes les unes contre les autres, mais de constater, tout simplement, que l'activité est plus dense à Montréal et de tirer de ce fait des considérations qui, à aucun moment, n'entendront faire abstraction de l'excellent travail qui se poursuit ailleurs.
L’art qui laisse indifférent, qui n’émeut pas, qu’est-ce ?
Si la nature est infiniment belle, nous, humains, nous n’y sommes pour rien. Il faut, de toute nécessité, pour avoir une œuvre d’art, que l’homme y soit pour quelque chose. Cette ingérence étonnante de l’homme dans la nature pourra être l’art.
Comment se formait un artiste avant le XVIIe siècle et comment s'éduque-t-il depuis ? Autrefois, les peintres apprentis entraient à l'atelier d'un maître et y séjournaient plus ou moins selon leurs aptitudes. Ils passaient par la cuisine du peintre et, d'étape en étape, se perfectionnaient jusqu'au jour où ils se sentaient assez forts pour aborder une oeuvre d envergure et la parachever.
La corporation des peintres — au moyen âge, par exemple — les reconnaissait maîtres à leur tour. Dans ces relations de maître à élève, à aucun moment, il n y avait d'échange de procédés pour faire un bon tableau. Ceci importe énormément. Des conseils et le travail personnel étaient toute la formation.
La carrière de Pellan est unique. Il est né à Québec le 16 mai 1906. Avant son entrée à l’École des Beaux-Arts de Québec en 1920, il dessinait et peignait d’une façon fort personnelle. La nature morte que l’artiste intitule Les Fraises, et qu’il conserve de ces années-là, le prouve bien. La dominante de Pellan s’y trouve : gamme fraîche de bleu-outremer clair et de vermillon reliés par des verts, constitutrice d’harmonies futures.
Par un changement d’ordre dans la matière, la pierre de la montagne devient la pierre taillée, rangée, ordonnée de l’architecture. L’empreinte dans la matière de la pensée et de la sensibilité nous introduit dans l’oeuvre.
Des volumes pleinement dans l’espace sculptent la pierre de la montagne : harmonie humaine qui a ses lois propres, sa beauté intrinsèque.
Après un séjour de 14 ans à Paris — séjour entrecoupé de nombreux voyages : car l’ingénuité de Pellan a toutes les curiosités, celles de l’homme intelligent — notre peintre rentre chez lui au mois de mai 1940. Il lui restait de se voir consacré par son pays : ce qui était le plus difficile. C’est fait.
Un art sans séduction n’est pas un art.