Je n'aime plus. Je l'ai décidé, je n'aime plus. J'ai vu l'horreur du monde, je l'ai vécue au plus profond de mes entrailles.
Je ne veux plus aimer ce monde ni les êtres qui l'habite.
Pourtant, mon cœur bat toujours. De la main, je l'ai enfoncé entre les chairs, le sang et les nerfs.
Je l'ai coincé entre les muscles. Les côtes l'entourent tels les barreaux d'une cages.
Les poumons en sont les geôliers; l'estomac, l'aumônier. Pour se venger, le cœur réprime mes poumons qui se resserrent et m'étranglent. L'estomac se soulève et déverse sa bile contaminée. Tout mon corps est pourri et crevé de plaies. Sans aucun baume, le pus gonfle les maux en boursouflures qui déforment mon enveloppe et mes traits. Mon regard ne veut plus quitter le miroir. Il me scrute et me scrute encore.
Je suis un monstre.
En réalité, je crois, déjà enfant, j'étais éprise d'un désir de destruction immense. Un désir que je savais impossible à assouvir. Donc je me taisais, enfant invisible et sans voix.
Je taisais tous mes cris et pensées: on trouve un enfant sage et timide tellement plus plaisant qu'un enfant qui crie.