Anne était journaliste, comme lui autrefois. Cela les liait, même si elle mettait un point d’honneur à se démarquer de lui et à souligner, chaque fois que l’occasion se présentait, sa conception exigeante du métier. Dans ces moments-là, Pierre la trouvait agaçante avec ses airs de donneuse de leçons, ses litanies à propos de la quête de vérité et sa volonté farouche d’indépendance. Il lui faisait remarquer, narquois, qu’elle pouvait se permettre de rester pure, elle qui n’avait pas d’autre bouche à nourrir que la sienne et qui vivait de piges dans un pays où le prix des loyers était cinq fois plus faible qu’en France