![Max Jacob](/users/avt_fd_11110.jpg)
Hymne au soleil
Poussez l'ange malin par la porte béante
le béat, le méat, l'abbé hanté me hante
quand sur la tour rouillée, plantée de mille plantes
coupant l'ouate des nuits il apparaît, la honte
de la plante des pieds à la poitrine monte.
Ton corps est comme un arc bandé.
corps de partout : est-ce que vous m'entendez ?
Mon
Allah, mon
Bouddha, mon
Cingbras
Manitou
(Je n'y pige que dalle.
Voilà qui m'est égal.)
Je suis la valse lente
en pensant à nous deux.
Tu es bon, beau, dévoué et toujours heureux.
Et moi je suis souillé, pas beau, l'égout collecteur.
La crise de la joie dans le rideau des arbres
mais l'image est dans l'étang noir.
Ouvrez-vous pour laisser passer les nénuphars.
Il adosse la tête au coussin de l'amour.
Le
Créateur !
Cloué, accroché d'air et viande
au croc des hommes à qui les démons le demandent.
Il adosse la tête aux douleurs de l'amour.
Il pense et l'univers passe dans ses yeux noirs.
La race des racines et la guerre des races
L'ouf ou nid du serpent machine et tourbillon.
Les destins de l'histoire or et noir sur le front.
Qui cache
Dieu
Son
Père et les
Anges armés.
Il adosse la tête au bois côte sacrée
et la fièvre et la soif les quatre plaies brûlantes.
Il pense et l'Univers l'écorche et le tourmente.
Nul ne sait l'univers comme
Lui :
«
Je suis la
Trinité et le
Verbe infini
La victime et l'immortel sang de
Golgotha
Je connais chacun : l'on ne me connaît pas
Mon supplice tordu vous épargne l'enfer
Pendant que, pauvres gens, vous me creusez de fer.
Elle monta vers moi votre suite d'Histoire
Elle redescendra dans les plis de ma gloire.
Et tout s'arrêtera quand
Dieu l'a décidé. »
Il est bien vrai que je sais que je meurs
en quelque endroit du monde où je demeure.
Sera-ce en l'eau mouillée par gorge bue
sera-ce en l'air et d'avion descendu
sera-ce en terre désastre de mine
en route, en rue et par mains assassines
par guerre et feux ou par gaz asphyxiant
en paix du lit et
Jésus-Christ fixant.
Il est bien vrai que je sais que je meurs
en quelque endroit du monde où je demeure.
Vois dans ta vie ce qui peut réjouir
Dieu
ce qui de toi peut mériter ses yeux
or il ne voit que luxure et colère
enfer de vie vaut enfer de la mort
confesse-toi : « le désespoir te mord ! »
Il est trop tard pour avoir temps de plaire.
Du bon larron tu n'as pas l'innocence
ni cette foi qui donne connaissance ?
Si j'avais su ce que c'est que mourir.
Il n'est pas un filet d'onyx
sur l'agate d'une planète vrombissante
qui n'ait été l'usufruit
du
Dieu de mon crucifix.
Pas une flamme de bombe
dans la ténèbre qu'on appelle azur
qui ne soit à la poursuite de ton exequatur.
D'un pouce il peut éteindre
cette bougie appelée soleil
(soleil tu n'as rien à craindre).
Le plus grand transport militaire
le
Westminster
que l'on renomme
contient mille huit cent soixante hommes
soufflant pour calmer la tempête
chacun dans une autre trompette.
Ça n'est pas beaucoup plus qu'une allumette.
Derrière l'étoile biseautée, coincée de malheur ou bonheur
Dieu regarde chaque goutte de sueur, rosée !
Un moine dressé sur des sabots
pour parler au
Saint de la crypte et de l'ombre !
les yeux baissés du moine ardent
entre balèvres et redans
sur le
Saint qui dort en sa tombe
Dieu d'un doigt soulève un rideau.
Le
Saint est arrivé au port
le moine n'y est pas encor.
Le rideau tombe.