Je suis tombée sur Marie-Claude en rentrant de Lybie, au bout d'un chemin sans issue dans un lieu-dit perdu des monts d'Arrée bretons en avril 2014. "Tu viens voir mes poupées ? " me lança-t-elle, en m'indiquant mon chemin. Dans sa maison de bric et de broc, je découvre un monde que je ne quitterai plus. Qui me hante et m'emplit de joie à la fois. Cette vieille dame de soixante-quinze ans, cette ancienne bûcheronne, pêcheuse et couturière attachante et effrayante me touche, me parle de moi et qui ne veut pas s'éteindre. Elle me montre que tout persiste et que rien ne s'éteint. Comme ma grand-mère, vieille mais rebelle. Elle n'a jamais eu d'enfants et me fascine pour cela, moi qui en ai perdu ou chassé, qui résiste (peut-être) à l'appel de la féminité. Est-elle femme ? Est-elle enfant ? Est-elle folle ? Suis-je folle ? Autour d'elle, tous la fuient. Sa particularité, son caractère. Elle n'a jamais suivi les rails, les règles de la communauté. Une marginale. Un peu comme moi, parfois. Un peu comme nous tous en fait, sauf que certains n'osent pas. (p. 93)
Suis-je simplement celle qui arrive dans sa vie ? Ne puis-je donc jamais être celle qui observe ? Suis-je arrivée trop tard ? Vit-elle ses histoires qu'elle me raconte, assise dans son salon ?
Ou en vit-elle d'autres ? Se souvient-elle parfois ? Sait-elle qui elle est, qui elle fut: ce qu'elle est devenue ? Ermite, sorcière, vieille folle, korrigan ou petite grand-mère. La voici . (p. 93)