Mia Jones

On dirait qu’il contemple quelque chose que je ne vois pas sur mon propre visage… Est-ce qu’il tente de dénombrer ces légères taches de rousseur à peine visibles, sur mes joues ? En tout cas, il m’écoute en hochant la tête, et son expression se tord au fur et à mesure de cette triste histoire de jalousie.
— Et donc, tu comptes le faire quand même, ce concours ? demande-t-il quand j’ai terminé. Tu as besoin d’un coup de main ?
Il se redresse soudain, le regard pétillant. Ses dents viennent mordre ses lèvres, sûrement malgré lui. Est-ce qu’il… éprouve un intérêt pour moi ? À cette idée, ou bien à cause de sa question, des larmes brûlantes menacent de nouveau de sortir. Je les retiens à grand-peine.

Non, ce Laurent, ou Éric, ce n’était vraiment pas ça… D’accord, il affichait l’assurance d’un gentleman, il était poli, prévenant, il me faisait du charme avec ses yeux bleus et ses cheveux noirs en mode décoiffé-stylé. Mais il avait un petit côté prétentieux. C’est limite s’il ne m’a pas engueulée pour lui avoir renversé de l’eau dessus. De l’eau ! Et cette manie de cracher sur les gens… « Regarde celle-là, sa robe, quel mauvais goût ! » ou « Tu as vu comment elle est boudinée ! ».

Il parle souvent de « gonzesses » et de « bonnes femmes » pour désigner les clientes. Il en rigole. Et moi, il me descend plus bas que terre sans raison. La preuve, je n’ai pas le souvenir d’avoir reçu de mauvais retours de clients sur les gâteaux auxquels j’ai contribué.
Voilà tout ce que je déballe maladroitement à Karim, et il me laisse le temps dont j’ai besoin pour trouver les mots. Sans me couper ni me juger. Il pousse juste un profond soupir lorsque je termine.

Après, c’est vrai qu’il est le genre à attirer les fantasmes. Un type comme lui, ça vous apporte le confort, la sécurité et une certaine facilité dans la vie. Des conditions qu’on peut souhaiter, qui rassurent. Mais toutes les femmes cherchent-elles bien cela ? C’est vrai, ça… Qu’est-ce que recherchent les autres femmes, au fait ? Des banalités comme la protection, la gentillesse, l’honnêteté, l’humour. Et c’est tout ?

Maintenant, il ne reste plus qu’à dénicher un homme qui pourra m’aider, moi, à trouver ce qui me manque. Parce que les banalités, c’est bien, ça fait passer le temps, mais je sais qu’il me faut un détail en plus. Je sais qu’il y a quelque chose dont j’ai besoin. Mais quoi ? C’est quand même triste de ne pas savoir ce que l’on cherche ! Au moins, j’espère que je le saurai, quand je le trouverai.

Ma main hasardeuse descend un peu, frôle ses reins, découvre son érection nocturne surprise. Un bâton raide de chair chaude, trop court pour me satisfaire pleinement, mais agréable au toucher. Je le serre une seconde entre mes doigts, pendant que l’autre continue de dormir. Si seulement l’engin avait été plus long, ou plus épais… Quelques images rebelles s’immiscent sous mes paupières.

Il se jette sur mes lèvres pour les dévorer, tandis que ses mains déboutonnent mon jean et se glissent sur mes fesses. Des doigts aventureux se mêlent à mes poils, cherchant l’accès grand ouvert de mon désir. Ils le trouvent, chaud et humide, prêt. Malaxant toujours sa verge, je l’approche de moi, juste pour une caresse sensuelle. Dorian en tressaille encore d’envie.

Non, même mon corps le dit. Je n’ai juste pas envie de le revoir. Pas comme Dorian, pour qui j’hésite encore. Mais ce Ludovic, non. Il n’éveille vraiment rien en moi. Tellement rien que j’ai dû me finir toute seule, l’autre nuit. Il ne fait ni un petit ami idéal ni un amant satisfaisant. En tout cas, pas pour moi. Je ne vais quand même pas me forcer !

Je ne sais pas quand ce benêt d’ex friqué va revenir me hanter avec ses suppliques, s’il revient… Je risque de perdre mon travail à cause d’un connard méprisant et sexiste. Et avec ça, il faudrait que je réveille le clochard pour lui demander s’il a bien tout raté à cause de moi ? Ça me confirmerait juste mon échec. Un de plus. Hors de question !

Des fois, je me demande quelle est la vie des gens qui viennent à la boulangerie. Cette femme est-elle en retard pour aller chercher ses enfants à l’école ? Est-elle sur le point d’annoncer le divorce à son mari ? Et si c’était une espionne traquée par une mafia quelconque, qui veut juste savourer un dernier pain au chocolat ?