Barclay allait de place en place, partout où le danger menaçait, donnant calmement ses ordres, refusant de s'incliner devant l'adversité - il eut, ce jour-là, trois chevaux tués sous lui. De son côté, Bagration ne demeurait pas en reste; dans la chaleur du combat, on oubliait les vieilles rivalités, les prérogatives liées à l'ancienneté, les secteurs impartis à chacun : la victoire passait avant tout. Des témoins oculaires ont attesté de l'extraordinaire impression que produisit ce jour-là Barclay sur tous ceux qui purent le voir. On eût dit que toutes les précédentes luttes de la campagne étaient rejetées dans le néant, qu'il avait trouvé la solution d'un insoluble problème. C'était lui, "l'âme de l'armée à Borodino".
Et lorsque, en fin de compte, Michel se trouva effectivement en situation, de par son pouvoir et ses fonctions, de succomber aux tentations de la bonne société de Saint-Pétersbourg et de goûter enfin à cette vie d'excès que tout officier russe se doit de mener, il s'aperçut qu'il n'éprouvait aucune attirance pour la frivolité et l'excès.